La fin de vie est souvent associée aux personnes âgées. Mais elle concerne aussi les nouveau-nés affectés d'un lourd handicap cérébral ou moteur, pour lesquels la question de l'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation artificielle (AHA), quand tout a déjà été tenté en réanimation, est encore plus sensible.
Alors que les limites de la législation actuelle ont été soulevées par le Comité consultatif national d'éthique en juillet et par la mission Sicard en décembre 2012, le centre éthique clinique (CEC) de l'hôpital Cochin à Paris devait présenter, mardi 17 décembre, une étude sur l'AHA, après que médecins et familles l'ont souvent sollicité.
D'après ses conclusions, 60 % des soignants ont un « bon ressenti » de ces pratiques contre 40 % du côté des parents. L'équipe du CEC souligne toutefois le risque de « symbole d'abandon parental » – lié à l'idée de laisser l'enfant mourir de faim – que peut représenter la mesure pour les parents. Mais du côté législatif, l'AHA a permis plus de collégialité, de dialogue et de transparence : « Pour le corps soignant, il serait inconcevable de revenir en arrière », assure Laurence Brunet, juriste, qui a participé à l'étude.
La loi Leonetti de 2005 a permis de poser un cadre dans l'accompagnement de la fin de vie des nouveau-nés, notamment par l'AHA. Auparavant, les chefs de service prenaient eux-mêmes la décision d'une euthanasie. Une pratique illégale, mais tolérée.« Il y avait quand même un certain malaise, tous disaient que c'était très difficile », confie Mme Brunet.
« PROJET DE VIE »
L'équipe de Cochin, après avoir rencontré médecins, soignants et parents, a distingué trois modèles de mise en œuvre de l'AHA.
Dans le cas numéro un, le corps médical laisse la nature décider.« On enlève tout mais on propose un biberon à l'enfant avec insistance, explique Mme Brunet. S'il arrive à s'en saisir, il sera nourri et survivra. » Les médecins appellent même cette méthode « Projet de vie ». Ce choix met les parents dans l'embarras. « D'un côté, on a arrêté la réanimation et de l'autre on lui laisse une chance de vivre… », explique Marta Spranzi, philosophe, elle aussi membre de l'équipe.
A l'opposé, et à la limite de la légalité, le cas numéro 3. L'idée est d'accompagner l'enfant vers la mort. L'AHA est associé à une sédation, pour que l'enfant ne souffre pas. Il n'est plus vraiment conscient. « On n'est pas dans l'injection létale mais l'intention est assumée », explique la juriste. Il ne reste alors au bébé plus que quelques jours à vivre.
Le cas numéro 2, le plus répandu, est un enchevêtrement des deux autres. Il n'y a pas d'aide active à la mort en plus de l'AHA, on va juste soulager la douleur de l'enfant. Un procédé qualifié d'« instable », qui oblige parfois à des réajustements. Le nouveau-né vit alors en moyenne une semaine.
Selon le CEC, le temps de survie devrait être de trois ou quatre jours. « Cela permet aux parents de le prendre dans leurs bras, de lui dire au revoir, justifie Mme Spranzi. Au-delà, l'enfant se décharne, la communication se délite et ça devient insupportable. » L'injection létale, elle, est jugée trop rapide et inhumaine.
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