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lundi 4 novembre 2013

Libérer les images du cerveau

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 




Le partage de données d'imageries cérébrales pourrait améliorer les connaissances sur le cerveau.

Le visiteur note vite que cette conférence scientifique est originale. Pas de programme : ceux qui veulent parler inscrivent leur nom sur une feuille qui circule dans l'amphi. Pas vraiment de longs exposés non plus. Juste des passages de trois minutes. Les têtes chenues ne sont pas légion ; la moyenne d'âge des 70 participants doit être de moins de 40 ans. Est-ce ce qui explique leur endurance ? Les échanges, exposés ou discussions, ont duré quatre jours et surtout trois nuits (jusqu'à trois heures du matin pour les plus assidus !).
Mais de quoi ont parlé ces cloîtrés volontaires au Centre international d'études pédagogiques de Sèvres (Hauts-de-Seine) entre le 23 et le 26 octobre ? Le nom de cet événement, autodésigné anti-conférence, n'aide guère : « Brainhack ». Ou littéralement le hacking ou piratage du cerveau. Malgré ces mots, nulle trépanation, puçage électronique ou lecture frauduleuse de pensées, mais plutôt des tentatives de changer certaines modalités des recherches en neurosciences. Et, en particulier, l'imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM).
DES EMBRYONS DE COLLABORATIONS ET DE PROJETS
« Nous avons réalisé que ce que nous préférions dans les conférences, c'étaient les pauses-café pendant lesquelles on interagit vraiment avec des collègues », explique Daniel Margulies, responsable du groupe neuroanatomie et connectivité de l'Institut Max-Planck de Leipzig. Il est aussi l'un des cofondateurs de Brainhack, dont la première édition a eu lieu à Leipzig en 2012.
« Nous étions agacés de devoir arrêter ces moments d'échanges pour aller écouter des exposés », renchérit Pierre Bellec, autre cofondateur et chercheur au Centre de recherche de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal ainsi qu'au Département d'informatique et de recherche opérationnelle.
« D'où ce concept plus «décoincé» fait pour que les gens parlent entre eux et se rencontrent », précise Pierre Bellec. A Brainhack, il n'y a donc pas de résultats nouveaux présentés, mais plutôt des embryons de collaborations et de projets, ou des perfectionnements de sujets en cours ainsi que des rencontres « improbables ». Une artiste a demandé comment relier les enregistrements de ses rêves avec les souvenirs qu'elle note à son réveil. Des informaticiens ont proposé aux biologistes d'utiliser les capacités de calcul distribué pour augmenter leur efficacité. Un autre voudrait que les données cérébrales ne soient pas seulement visibles mais audibles.
LIEN ENTRE BIOLOGIE ET INFORMATIQUE
Un point commun majeur de tous ces travaux est le lien entre la biologie et l'informatique (discipline qui a inspiré le concept un peu foutraque de Brainhack). Les neurosciences deviennent, comme avant elles la génomique, gourmandes en ressources et outils de calcul pour traiter les images, mais aussi pour représenter les résultats, les trier, les comparer, voire pour les partager. D'où l'esprit « hackeur » de la conférence, qui défend une conception très ouverte de la science. Ce qui n'est pas sans heurter les pratiques habituelles, en particulier concernant le partage des données.
Un premier avantage qu'il y a à partager est d'augmenter le nombre d'images disponibles pour une expérience, car une étude repose en général sur moins de vingt cerveaux. « En récupérant des données de laboratoires à Cambridge et Pékin, nous avons pu avoir 400 IRM gratuitement et publier notre article », rappelle Salma Mesmoudi, du Laboratoire d'imagerie fonctionnelle de la Pitié-Salpêtrière (LIF) et coorganisatrice de Brainhack. Les défauts statistiques d'un grand nombre d'études à base d'IRM portant sur trop peu de cas sont aussi souvent pointés.
« Partager est aussi un moyen d'éviter le gâchis de données car, souvent, les chercheurs qui ont fait les IRM n'ont pas le temps de tout exploiter », rappelle Michael Milham, du Child Mind Institute, à New York, et grand promoteur du partage libre de données.
« Partager peut «rapporter» aussi car lorsqu'on utilise un jeu d'images pour un article, on citera ceux qui les ont fournies. Les plus partageurs seront donc les plus visibles », ajoute Yves Burnod, du LIF.
D'autres avantages sont pointés, comme la capacité à mieux reproduire les résultats, à détecter des erreurs, à accélérer les connaissances...
« LA NEURO-IMAGERIE EST À UN TOURNANT »
Des résistances à l'ouverture existent cependant. Comme la protection nécessaire des patients dans le cas des données cliniques. Ou bien l'attente d'un « retour sur investissement », car lancer une étude coûte cher et implique des financements divers. Ou encore, la peur d'être doublé par des concurrents.
A cela, les hackeurs répondent qu'il est possible de fixer des délais avant de partager et critiquent aussi les « rentes » que certains se constituent en exigeant d'être auteurs sur des articles utilisant leurs données. « La neuro-imagerie est à un tournant », insiste Michael Milham, confiant dans la nouvelle génération, qu'il voit plus ouverte. Sans compter que de grandes agences de financement aux Etats-Unis poussent dans ce sens.



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