MARDI 05 NOVEMBRE 2013
Comment se sent un infirmier qui tue? «Je suis triste évidemment, mais ici, c’est ça la vie», explique Rami, qui une fois son travail achevé troque sa blouse blanche contre un fusil.
EHD
LIBAN • A Tripoli, la double vie de Rami est à l’image du quotidien des quartiers voisins Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen: banalement meurtrier. Reportage.
Planté à l’entrée d’un centre médical du quartier tripolitain d’Abou Samra, où 90% des patients sont Syriens, Rami porte une veste blanche et s’occupe de leur accueil. Ce jeune trentenaire aux joues de marmotte mal rasées, père de quatre enfants, y est infirmier trois jours par semaine. Perché en haut d’une colline de la ville du nord du Liban, le centre de soins se tient à l’écart des quartiers Bab el Tebbaneh et Jabal Mohsen, où se trouver au mauvais endroit au mauvais moment peut coûter la vie. L’énumération meurtrière des médias libanais ces dernier jours le rappelle: au moins seize personnes y ont été tuées et plus de quatre-vingts blessées depuis le lundi 21 octobre. Pendant dix jours, une énième série d’affrontements s’est déclenchée entre les habitants de Bab el-Tebbaneh, quartier sunnite pro-opposition syrienne, et ceux de la colline de Jabal Mohsen perchée au-dessus, où la minorité alaouite proche du gouvernement syrien se sent prise au piège, dans une ville sunnite à plus de 80%.
Bab el-Tebbaneh, Rami y a toute sa vie. Quand il n’est pas de service pour sauver malades et blessés de la mort, il va boire le café chez sa belle-mère, qui ignore depuis longtemps les rafales de sniper qui frôlent le plafond de son appartement. Il s’arrête ensuite à Souk al-Qameh, où des combattants s’échauffent en tirant quelques rafales, tandis que des gamins de 15 ans au plus se rassemblent autour d’un 12.7 mm DShK dont les détonations écrasent le bruit des tanks de l’armée qui patrouillent non loin de là.
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