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samedi 4 mai 2013


LE SEVRAGE EN BENZODIAZÉPINES, POURQUOI C’EST SI DIFFICILE ?


La prévalence de consommation en benzodiazépines et de molécules apparentées est de 14.3 % à 33.1 % chez les patients de 60 ans et plus. Le sevrage de ces molécules est difficile pour ces patients. Peu d’études ont évalué les facteurs explicatifs de la difficulté de ce sevrage.


Mr G.B, âgé de 78 ans, est à la retraite depuis 15 ans. Il est marié. Lui et son épouse ont eu trois enfants. Ancien militaire, il a participé aux événements d'Algérie. Il s'agit pour lui d'une période douloureuse. Il a pour antécédents un diabète de type II et une hypertension. Il se plaint depuis les années 60 de troubles du sommeil et notamment de difficultés à l'endormissement. Il reconnaît sa nature anxieuse. Il ne souffre pas de cette anxiété dans la journée. Depuis 15 ans, il prend un demi-comprimé d’oxazépam 50 tous les soirs. À plusieurs reprises son médecin traitant lui a proposé d'arrêter ce traitement. Il n'a aucun désir de sevrage « si je ne prends rien je ne dors pas. Les rares nuits où j'ai essayé de ne rien prendre je ne me sentais pas bien le lendemain ». « Dès que je n'ai plus de traitement, le pharmacien n'avance une boîte ». « Je sais, vous me le répétez à chaque fois, il y a des effets secondaires, notamment sur ma mémoire. J'ai en effet quelques troubles mais je m'y accommode ». « Je suis pas fou, je sais bien que je m'y suis habitué ». « En tout cas merci Docteur, vous êtes le premier à me proposer d'arrêter mon traitement ».

Analyser cette observation.

Ce cas clinique montre bien la difficulté que le médecin de soins primaires rencontre régulièrement. Les difficultés au sevrage en benzodiazépines ou molécules apparentées dépendent de plusieurs facteurs. Six catégories de facteurs ont été identifiées : facteurs liés au patient, aux professionnels de santé, à l'environnement du patient, au traitement hypnotique, à la relation médecin patient, et à des facteurs économiques. On retrouve dans cette observation le besoin qu'a le patient de justifier sa consommation chronique « si je ne prends rien je ne dors pas, vous savez docteur je ne suis pas bien si je ne dors pas ». Ce patient ne semble pas gêné par un phénomène de dépendance. Il s'accommode parfaitement des effets indésirables de ce type de traitement. Il exprime parfaitement cette crainte de subir une baisse de performances au lendemain d'une nuit d'insomnie. Enfin cette observation montre bien les obstacles liés à notre système de soin. L'évolution sociétale, avec une vision plus écologique, a pour conséquence une réelle prise de conscience des effets indésirables de ce type de traitement au long cours. Les institutions de tutelle incitent le corps médical à favoriser un sevrage en benzodiazépines. L'avance de médicaments par d'autres professionnels de santé ainsi que les difficultés de communication interprofessionnelle ne sont pas favorables au sevrage.

Que proposer aux patients?

En France, le temps de traitement médian est de 7 mois pour une benzodiazépine anxiolytique, hypnotique ou apparentée [16] alors que l’Ansm recommande une prescription se limitant de 2 à 5 jours dans l’insomnie occasionnelle et de 2 à 3 semaines dans l’insomnie transitoire [17] afin d’éviter les risques de dépendance. Le suivi des patients présentant des pathologies chroniques peut être l'occasion d'aborder la question du sevrage de ce type de molécule. Le médecin traitant grâce à des interventions courtes et répétées va permettre une réelle remise en question. Une modification progressive de ces représentations construites autour de son traitement verra le jour. Un contrat virtuel va s'établir entre les deux parties pour un sevrage progressif. Une stratégie d'écoute et de discussions autour des difficultés au sevrage favorisera son succès.

En résumé

Identifier les facteurs favorisant le non-sevrage permettrait d'influencer de manière statistiquement significative l'intention des patients à se sevrer. Une approche cognitivo-comportementale, dans ce contexte de soins primaires favorisant l'écoute et la discussion permet d'identifier les mécanismes internes et externes de la consommation de benzodiazépines. La recherche universitaire, effectuée actuellement par des médecins généralistes va permettre d'améliorer les déterminants de cette surconsommation de benzodiazépines.
Dr Bernard Freche (médecin généraliste, maître de conférences associé. Mail: bernard.freche@univ-poitiers.fr)

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