Des pacemakers cérébraux au secours des troubles mentaux
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Troubles obsessionnels compulsifs, dépression, troubles du comportement alimentaire, addictions, tics, voire autisme... Vingt-cinq ans après leur première utilisation chez l'homme - en 1987, chez un parkinsonien -, les techniques de stimulation cérébrale profonde (SCP) sont de plus en plus étudiées pour soulager des formes sévères de maladies neuropsychiatriques, résistantes aux médicaments.
Le principe est de moduler l'activité neuronale, grâce à des électrodes de 1 à 2 millimètres de diamètre implantées dans les noyaux cérébraux profonds, au niveau d'une cible très précise - variable selon la pathologie visée. Les impulsions électriques sont commandées par un ou deux petits boîtiers implantés sous la peau.
Par rapport à la chirurgie classique, lésionnelle, cette approche présente un double avantage : ses effets sont a priori réversibles, et les paramètres de stimulation sont adaptables. L'intervention chirurgicale est toutefois assez lourde et peut induire des complications rares mais potentiellement graves, hémorragiques ou infectieuses.
RÉSULTATS ENCOURAGEANTS
De nombreux essais, précliniques et cliniques, de SCP sont en cours dans le monde, avec des résultats encourageants, parfois spectaculaires. Ainsi, ces "pacemakers cérébraux" ont transformé la vie de certains patients atteints d'un syndrome de Gilles de la Tourette, forme extrême de tics à la fois moteurs et verbaux. Des vidéos avant et après intervention, particulièrement démonstratives, sont accessibles sur Internet ("Science & techno" du 7 janvier 2012).
La dernière publication en date, le 23 avril, dans le Journal of Neuroscience, concerne un autre champ : le Binge Eating Disorder ou syndrome d'hyperphagie compulsive. Proche de la boulimie, ce trouble du comportement alimentaire s'en distingue par l'absence de vomissements ; il est souvent associé à un surpoids.
Tracy Bale et ses collègues de l'université de Pennsylvanie ont testé une stimulation cérébrale profonde sur un modèle murin de cette pathologie, en implantant les électrodes au niveau du noyau accumbens. Cette structure, qui joue un rôle-clé dans le circuit de la récompense, est impliquée dans les comportements compulsifs, boulimiques et addictifs.
Chez les animaux traités, les chercheurs ont observé une diminution de l'appétence pour les aliments gras, sans compensation de la baisse de l'apport calorique ainsi engendrée. Après quatre jours de stimulation continue, des souris obèses ont réduit leur apport calorique et sensiblement perdu du poids, contrairement aux animaux contrôles. Reste à savoir si ces effets se confirmeront chez l'humain. En 2010, en stimulant ce même noyau accumbens pour traiter des troubles obsessionnels compulsifs sévères, une équipe d'Amsterdam avait observé une perte de 44 kg et un sevrage tabagique chez une femme qui, outre ses symptômes obsessionnels, était obèse et fumeuse.
Parallèlement, la stimulation cérébrale est évaluée dans des formes graves d'anorexie mentale. Un essai préliminaire incluant six patientes a été publié le 7 mars dans The Lancet. La cible choisie, le cortex cingulaire subgénual, est également étudiée dans les dépressions graves. C'est aussi l'une des deux cibles visées par l'équipe mexicaine de Fiacro Jimenez dans ses interventions irréversibles chez des patients agressifs.
S. Ca.
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