Menace d’emprisonnement : l’ANSM appelle ses experts à la confidentialité la plus stricte
Selon « Le Figaro » du 24 avril, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rédigé un nouveau règlement intérieur qui prévoit des sanctions pénales et financières pour les membres « trop bavards ».
Le personnel qui manquerait à l’obligation de confidentialité encourt jusqu’à 15 000 euros d’amende et un an de prison. Sont confidentiels, selon « Le Figaro », « les discussions, les votes ou encore les documents soumis à l’examen des experts ».
L’ANSM, contactée par « le Quotidien », confirme qu’un nouveau règlement intérieur est dans les tuyaux. Les différentes commissions doivent l’approuver avant qu’il n’entre en vigueur. L’Agence n’invente pas de nouvelles sanctions afin de dissuader les fuites dans les médias. Ce qu’elle fait, c’est un rappel à la loi. Depuis dix ans en France, « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » (article 226-13 du code pénal). Cet article de loi est généralement utilisé pour le secret médical.Les experts externes dans le collimateur
Quelle est la cible de ce « rappel à la loi » ? L’ensemble du personnel de l’ANSM, mais aussi - et surtout - les experts externes. « Les fuites d’information constatées ces dernières années ne sont pas venues de l’intérieur », expose une source à l’Agence du médicament.
En termes d’affichage, le calendrier n’est pas très heureux. La loi vient de créer un statut protégé pour les lanceurs d’alerte, et le pouvoir politique clame la transparence à tous les étages. Les experts médicaux accueillent diversement ce nouveau règlement intérieur.
« Je comprends qu’il y ait un devoir de réserve, mais là, l’agence se barricade, dénonce celui-ci. Depuis 2011, Dominique Maraninchi [le directeur général de l’ANSM] ne s’est pas référé à cet article de loi alors qu’il aurait eu des occasions de le faire, alors pourquoi ce rappel au code pénal maintenant ? Dominique Maraninchi n’a pas réagi lorsqu’il y a eu des fuites dans la presse sur le Mediator. À l’Agence, tout le monde sait qui a parlé, mais à ma connaissance l’expert concerné n’a pas été rappelé à l’ordre officiellement. Il y a également eu des fuites dans la presse au sujet de la pioglitazone [Actos] suspectée d’entraîner des cancers de la vessie. De même cela n’a pas été sanctionné ».
L’ombre de l’affaire Cahuzac
Cet ancien président de commission à l’Agence admet que les fuites sont désagréables. « Il m’est arrivé plusieurs fois d’être appelé deux ou trois heures après une réunion sensible, par un patron de labo qui savait qu’était envisagée une décision n’allant pas dans son sens. Quelqu’un l’avait prévenu ! Le problème de la confidentialité a toujours existé. Ces dernières années le politique s’est trouvé dos au mur dans plusieurs affaires (Mediator, pilules, Diane 35, benzodiazépines...). Je peux comprendre que l’Agence veuille éviter les campagnes de presse titrant sur 3 000 morts. L’idée, c’est aussi sans doute de dissuader les experts tentés de vendre une information à l’industrie. En ce sens, peut-être y a-t-il un lien avec l’affaire Cahuzac ».
› DELPHINE CHARDON
24/04/2013
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