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dimanche 21 avril 2013

Jean Leonetti : « Sur l’euthanasie, il faut sortir de l’ambiguïté »


Le débat sur la fin de vie va rebondir jeudi prochain avec la discussion à l’Assemblée d’une nouvelle proposition de loi du député-maire d’Antibes. Le père de la loi de 2005 entend à la fois corriger certaines imperfections de la législation et obliger le gouvernement à préciser ses intentions sur l’euthanasie. Il s’explique.

Le Généraliste. Alors qu’on attend l’avis du CCNE fin avril, pourquoi cette proposition de loi sur la fin de vie ?

Jean Leonetti. Je rencontre régulièrement des personnes qui pratiquent la loi de 2005 et qui m’ont fait part de certaines difficultés. Je continue de faire ce qu’on appelle le "service après vote" et de repérer ce qui est satisfaisant et ce qui l’est moins dans cette loi. Il y a un peu moins d’un an, j’ai constaté qu’il y avait deux dispositifs qui ne fonctionnaient pas. D’une part, les directives anticipées, dans la pratique c’est assez mal connu, et d’autre part, la résistance encore présente de certains médecins dans la phase terminale. A mes yeux, il n’y a pourtant pas de débat sur cette question car personne ne conteste que le malade ne doit pas souffrir en phase terminale. La loi le dit assez clairement. La qualité de vie prime sur la durée de vie. On peut donc utiliser les médicaments quels qu’ils soient pour soulager la souffrance physique ou morale, même si cela a pour effet de raccourcir la vie en phase terminale.

Sur la question de la légalisation de l’euthanasie, plus ou moins annoncée durant la campagne, avez-vous l’impression que le gouvernement fait marche arrière ?

Il y a un an, le président de la République, alors en campagne, avait fait une proposition qui défendait l’idée d’une aide médicale à mourir dans la dignité. Formulé ainsi, c’est quelque chose qui peut faire consensus, mais qu’est-ce que cela veut vraiment dire ? Marisol Touraine avait répondu à cette époque que c’était un pas vers l’euthanasie, sans toutefois en être. J’ai ensuite entendu le président dire qu’il était contre. Ce n’est pas clair. Je pense qu’il faut sortir de l’ambiguïté et je mets la majorité et le gouvernement, qui est je crois favorable à l’euthanasie, devant leur responsabilité.

Pensez-vous que votre texte a des chances d’être bien accueilli dans l’hémicycle ?

Il y a une loi qui a été votée en 2005 à l’unanimité. Si on regarde objectivement pourquoi elle l’a été, c’est d’abord parce qu’il n’y avait aucun texte sur le sujet. Ensuite, nous avions travaillé à trente députés ensemble pendant plus d’un an. Et enfin c’est aussi parce que nous étions en milieu de mandat. Une période habituellement moins conflictuelle que le début ou la fin de la législature... Mais peut-être peut-on néanmoins s’entendre à nouveau, hors des dogmes et des clivages.

En quoi votre proposition de loi est différente de la loi de 2005 ?

La loi de 2005 a introduit l’idée du double effet. Autrement dit, elle autorise le droit de soulager le malade, même si cela raccourcit la vie, mais ce n’est pas son intention première. La présente proposition de loi rappelle simplement le devoir de soulager les personnes en fin de vie. S’il n’y avait que des bonnes pratiques, ce texte n’aurait pas lieu d’être. Mais malheureusement, je constate que la parole du malade n’est pas toujours entendue. C’est donc un complément, mais exactement dans le même objectif que la loi de 2005 qui permet aux malades de dormir avant de mourir.

Quelle différence y a-t-il entre vos propositions, celles du rapport Sicard et celles de l’Ordre, notamment sur la sédation terminale ?

Le rapport Sicard répète avec force qu’il vaut mieux appliquer les lois actuelles avant d’en produire de nouvelles. Ensuite, il explore l’euthanasie pour la rejeter complètement. Il s’interroge également sur le suicide assisté, dans le cas où le législateur choisirait cette voie. Enfin, il revient sur les directives anticipées et la sédation en phase terminale. Mon texte traduit ma réflexion personnelle sur ces deux sujets-là. Le rapport Sicard va toutefois un peu plus loin que moi sur la sédation terminale lui assignant deux buts : soulager, mais aussi accélérer la mort en phase terminale. Un dernier point qui n’est pas dans mon texte. L’Ordre des médecins dit encore quelque chose de légèrement différent. La sédation terminale a aussi pour but d’accélérer la mort, la clause de conscience est alors introduite.

Dans ce contexte, comment voyez-vous la place du généraliste ?

La place du médecin généraliste est à mon avis primordiale, mais on voit bien qu’elle est aujourd’hui moins importante en raison de la médicalisation de la mort dans le milieu hospitalier. On l’a confisqué à la famille mais aussi au médecin traitant. Les directives anticipées faites avec le médecin traitant renforcent son rôle et l’idée d’un contrat moral entre le médecin et son patient.
Propos recueillis par Caroline Laires-Tavares, caroline.laires-tavares@legeneraliste.fr

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