Bébé, plus vif qu’il n’y paraît
18 avril 2013 à 19:06
Une mère et son bébé ayant participé à l'expérience. (Sid Kouider)
Neurosciences . Une étude dévoile la conscience précoce des nourrissons.
«Nous savons aujourd’hui répondre à une question millénaire et pouvons affirmer que les bébés possèdent des mécanismes d’accès à la conscience», annonce Sid Kouider (CNRS). L’étude que ce chercheur a menée avec une équipe franco-danoise, publiée ce matin (1), a mis en évidence chez des nourrissons les mêmes réponses cérébrales à des stimuli extérieurs que chez les adultes.
Tels des chevaliers en cotte de mailles, les nourrissons ont été coiffés d’un casque d’électrodes. Des images de visages non familiers leur ont été présentées pendant des durées variables pour stimuler leur intérêt. En réponse, l’activité électrique de leur cerveau a été enregistrée et a présenté deux temps de réaction distincts.
Le premier (appelé primaire) est totalement non conscient et se traduit par une activité neuronale automatique progressive et linéaire que l’individu ne perçoit pas. Le deuxième (dit secondaire) est bien différent. Il ne rentre en jeu que si la durée de stimulation est assez longue pour que le cerveau ait besoin d’utiliser d’autres ressources et fasse appel aux aires sensorielles ainsi qu’au cortex préfrontal. Au cours de cette phase tardive, les informations reçues précédemment sont réactivées et maintenues à l’esprit. Le moment charnière qui sépare phases primaire et secondaire est un seuil bienidentifié. C’est la signature de la conscience.
Le processus était déjà connu chez les adultes, mais «mettre en évidence l’existence d’un ressenti subjectif chez le bébé est une vraie nouveauté», se réjouit Kouider. Plus le bébé est jeune, plus le temps d’accès à ce seuil est différé du moment de la stimulation extérieure. L’enfant met donc plus longtemps à prendre conscience de la sollicitation qu’on lui présente. Ainsi, à l’âge de 5 mois, il lui faut environ quatre fois plus de temps qu’à un adulte pour y parvenir. Moyennant quoi le bébé serait - sur le papier en tout cas - un récepteur de choix à la diffusion d’images subliminales, qui passeront inaperçues chez lui pendant un temps plus long que chez un individu plus âgé.
Mais l’étude montre que ses performances s’améliorent au fil de son évolution. Dès l’âge de 12 mois, période à laquelle la maturité des zones sensorielles et des connexions cérébrales distantes est plus avancée, le chrono est déjà meilleur et le bébé n’est plus distancé par l’adulte que par un rapport de 1 à 3.
Les perspectives ? Multiples. Détecter plus tôt «certaines pathologies comme l’autisme, diagnostiquées aujourd’hui uniquement par les manifestations comportementales avérées», espère Kouider. Ou améliorer «les compétences cognitives des bébés» par une adaptation personnalisée et précoce de leur apprentissage, dont celui du langage. Au total, quatre ans de travail et la participation de 80 nourrissons auront été nécessaires pour arriver à pareil résultat. Mais le jeu en valait la chandelle. «Après une période - pas si lointaine - où l’on pensait que les bébés n’avaient que des réactions de type réflexe», rappelle Sid Kouider, «le chemin parcouru est énorme».
(1) S. Kouider et al. Science, 19 avril 2013.
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