CES PATHOLOGIES QUI N’ONT PAS LIEU D’ÊTRE CHRONICISÉES
Certaines situations placent le patient dans un statut qui ne devrait pas être le leur. De nombreuses pathologies somatiques ou psychosomatiques revêtent abusivement le qualificatif de chronique. Comment l’éviter ou en sortir ?
Depuis plusieurs années j’explique à Monsieur P. patient hypocondriaque à ses heures la non-pertinence du dosage des PSA. Les choses semblent avoir été entendues, et il n’a d’ailleurs aucun signe évocateur d’une pathologie prostatique. Au cours de vacances (les miennes), le médecin consulté (pour une pharyngite) lui prescrit ce dosage qui revient légèrement perturbé et… l’envoie rencontrer l’urologue… Alea jacta est : il a peut être des cellules cancéreuses dans la prostate, entendu comme « j’ai sûrement des cellules cancéreuses dans la prostate ». Proposition de celui ? ci de rentrer dans une « étude ». Depuis, biopsies 2 fois par an (revenant toujours négatives), PSA à répétition aux résultats fluctuants, mais surtout une étiquette de malade sur le front, dont jamais il ne se pourra se défaire, car pour lui le doute persistera toujours. Sa vie est rythmée par ces événements, toute fluctuation de ses érections et toute douleur sont vécues comme un « signe » et chaque examen, chaque attente de résultats sont précédés de longues périodes d’angoisse avec leur cortège de somatisation. Un long travail commun mène à une acceptation d’arrêt de l’étude. Un mois plus tard il revient angoissé et me dit qu’il n’a pu résister à l’appel des biopsies, les résultats arriveront la semaine prochaine...
Primum non nocere
›La prévention quaternaire se définit comme une action menée pour identifier un patient ou une population à risque de surmédicalisation, le protéger d'interventions médicales invasives, et lui proposer des procédures de soins éthiquement et médicalement acceptables. Celle-ci nécessite de la part du soignant de connaître les limites scientifiques et éthiques de son activité, de ne pas être sous influence, de connaître les études validées.
›En médecine, ce qui se dit lors d’une consultation revêt une importance fondamentale sur l’évolution du symptôme, du syndrome ou de la maladie qui l’a générée. Ce sont ces mots qui pourront vous faire paraître bon ou mauvais médecin, mais ce sont eux aussi qui risquent de pérenniser le patient dans un statut de malade. Cependant ce qui se dit ne sera que le résultat d’une bonne écoute, d’un bon examen et d’une bonne appréciation des limites de nos propres connaissances. Dans la vignette clinique ci dessous, la prévention quaternaire qui semblait s’être mise en place, s’est trouvée mise à plat par l’intervention d’un tiers. La mise en place de cette prévention se fait à chaque rencontre et a un continuum, soyons attentifs à ne pas bouleverser le travail accompli lors de rencontres « de dépannage ».
L’affection longue durée
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, la maladie chronique est : "un problème de santé qui nécessite une prise en charge sur une période de plusieurs années ou plusieurs décennies." Ce problème de santé doit avoir : - une cause organique, psychologique ou cognitive ; - une existence de plusieurs mois ; - un retentissement sur la vie quotidienne : limitation fonctionnelle des activités, de la vie sociale ; dépendance à au moins un médicament, régime, appareillage, besoin d’une assistance personnelle, de soins médicaux ou paramédicaux, d’aide psychologique, d’éducation ou d’adaptation. Beaucoup d’états peuvent répondre à ces critères. 30 maladies chroniques clairement identifiées (article L 324 du Code de la Sécurité Sociale) permettent de bénéficier de la mise en Affection Longue Durée (ALD) qui ouvrira une prise en charge à 100 % des soins et traitements liés à cette affection. Au-delà de cette louable possibilité se pose le problème de l’étiquetage de nos patients. Ne vous est-il jamais arrivé en faisant la feuille de soin électronique d’un nouveau patient ou patient occasionnel de découvrir alors qu’il ne vous en avait pas parlé qu’il est porteur d’une de ces 30 maladies, et … de lui demander de quoi il s’agit… (et le droit à l’oubli ?) Est ? ce toujours urgent de se précipiter sur cette mise en ALD ? Exemple d’un diabète de type II débutant..
Que peut-on faire ?
Intéressons-nous aux représentations de nos patients et travaillons sur nos propres représentations. Référons-nous aux études validées. Ayons une analyse critique de la littérature médicale et des recommandations. Penchons-nous sur les sources d’information de nos patients afin de pouvoir mieux les écouter et mieux les /nous éviter de se/nous fourvoyer. Apprenons à communiquer et à gagner la confiance de nos patients. L’atelier que nous proposons au Congrès de Nice permettra de travailler sur vos histoires et de proposer de façon collégiale des modifications de nos pratiques en ce sens.
Dr Patrick Ouvrard (médecin généraliste à Angers, responsable de la communication à la SFTG).
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