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mercredi 10 avril 2013

Des "gestionnaires de lits" pour sauver les urgences

LE MONDE | 


Les secrétaires hospitalières et les cadres de santé des urgences de l'hôpital Bichat, à Paris, doivent jongler entre les services pour trouver des lits disponibles et transférer les patients.

Comment sauver les services d'urgence de l'engorgement alors que les caisses sont vides ? A défaut d'annoncer la création de nouveaux lits, la ministre de la santé, Marisol Touraine, a expliqué le 4 mars en présentant son pacte de confiance pour l'hôpital la nécessité de s'attaquer aux questions d'organisation, prenant comme exemple de bonne pratique la mise en place de "gestionnaires de lits".
Ce poste, aussi appelé "bed manager", doit permettre d'optimiser l'organisation des hospitalisations. Il est là pour gérer les lits et les patients comme un aiguilleur du ciel gère les décollages et atterrissages d'avions sur un aéroport. En contact avec tous les services, il a une vision à court et moyen terme des entrées et sorties et répartit les lits – dits d'aval – au mieux en fonction des demandes et des contraintes de chacun.

FORTES DISPARITÉS D'UN ÉTABLISSEMENT À L'AUTRE
Quelques établissements l'ont déjà mis en place, comme à Lens (Pas-de-Calais) ou à Pontoise (Val-d'Oise) et plusieurs réfléchissent à le faire. En 2010, avec de fortes disparités d'un établissement à l'autre, les urgences ont représenté en moyenne 32 % du total des hospitalisations.
"C'est un outil de la gestion prévisionnelle des lits, pas une solution en soi", souligne Emmanuelle Combes, responsable de ce programme à l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). A partir de septembre, l'agence va accompagner 150 sites dans l'amélioration de leur gestion des lits. "Il y a énormément de prérequis avant la mise en place d'un bed manager, prévient-elle. Cela nécessite d'abord de passer par une révolution culturelle au sein de l'hôpital."
Ce changement d'organisation peut se heurter aux réticences de chefs de service inquiets de leurs prérogatives. Outre les urgences, ceux-ci doivent également gérer les entrées directes et les interventions programmées dans leurs spécialités. "Il y a des enjeux de pouvoir, analyse un acteur du dossier. Le gestionnaire de lits devra assouplir les logiques de territoire."
Pour agir efficacement, les relations entre les urgences et les services cliniques doivent donc être préalablement contractualisées. Quels patients le gestionnaire de lits peut-il placer dans quel service ? Quelles pathologies ? A quelle heure ? Le patient entré par les urgences sera-t-il rapatrié dans le bon service dans les douze à vingt-quatre heures ?
"Le bed manager sera là pour appliquer une charte interservice. N'étant pas médecin, il a besoin d'un socle de base", explique Eric Simon, directeur adjoint des finances et chef du projet gestion des lits à l'hôpital Bichat où un tel poste devrait être expérimenté à partir de juin. Mais ce gestionnaire de lits "n'a pas vocation à révolutionner le fonctionnement de l'établissement. C'est plus en termes de signal qu'on l'attend", indique Eric Simon. D'autres mesures devraient accompagner son arrivée : augmenter les préadmissions, faire sortir des patients plus tôt (11 heures plutôt que 16 heures ou 17 heures), mieux lisser l'arrivée des patients sur la semaine... En contrepartie, les urgences devraient s'engager à ne plus faire hospitaliser un patient à n'importe quelle heure, notamment la nuit.


Urgences Bichat

 Les responsables des urgences de Bichat avouent leur scepticisme. "Le bed manager n'imposera pas un seul malade s'il n'a pas d'autorité, estime Enrique Casalino, le chef des urgences du groupe hospitalier universitaire Paris Nord-Val-de-Seine, dont fait partie Bichat. Il doit pouvoir trancher entre les hospitalisations programmées et non programmées. Et il faut des sanctions pour les gens qui ne jouent pas le jeu, pour ceux qui cachent un lit. Mais je ne demande qu'à être surpris et bluffé. Cela fait vingt ans qu'on réclame ça." "Je suis d'accord sur le papier avec l'arrivée du bed manager, ajoute Christophe Choquet, le responsable des urgences à Bichat. Mais j'ai peur que le contrat interservice soit du vide qui remplace du rien."
Cette "révolution culturelle" qu'Enrique Casalino appelle de ses voeux, le groupe hospitalier privé à but non lucratif Paris Saint-Joseph l'a entamée en avril 2010. La gestion de 534 lits du groupe a été confiée à quatre bed managers et seuls quelques services aigus ont gardé leur autonomie. Les bed managers sont les vrais pilotes qui affectent les lits dans un hôpital où les urgences représentent 25 à 30 % de l'activité. "Cela représente un changement de deux cents ans de pratique hospitalière", reconnaît Atika Alami, directrice du parcours patient du groupe.
"CE N'EST PAS QU'UNE QUESTION D'ORGANISATION, C'EST UNE QUESTION DE MOYENS"
Après avoir prescrit une hospitalisation, le médecin passe tout de suite par le gestionnaire de lits. S'il n'y a pas de place, le patient peut être mis dans un autre service en fonction de règles du jeu déterminées à l'avance.
Ici, le bed manager n'a pas été rattaché aux urgences. Il est au coeur du système, dans une zone "assez neutre" de l'établissement. "C'était un projet de l'hôpital, pas d'un pôle isolé", souligne Atika Alami, qui se félicite, grâce à cette gestion prévisionnelle des entrées et des sorties, d'avoir optimisé les admissions et les séjours, d'avoir réduit les transferts vers l'extérieur, de ne connaître aucune déprogrammation, et d'anticiper aussi bien les pics d'activité que les périodes de creux. "Aujourd'hui, dit-elle, on a des médecins ravis d'avoir des lits plus rapidement. Les urgences appellent le gestionnaire de lits et n'appellent plus de service en service."
"Un bed manager peut aider à fluidifier, concède Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF).Mais ce n'est pas qu'une question d'organisation, c'est une question de moyens. Nous manquons de lits de médecine polyvalente. Sans lits, les bed managers seront confrontés à une problématique insoluble. On a beaucoup de difficultés à trouver des lits pour les patients qui ne trouvent plus leur place dans l'hôpital, notamment les patients âgés et polypathologiques." Pour lui, ces gestionnaires de lit risquent donc d'être"des pompiers avec une petite lance pour éteindre un gros incendie".


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