Tuerie de Chevaline : comment interroger les petites filles ?
Le Monde.fr |
Comment interroger des enfants traumatisés par le meurtre de leurs parents ? Quelle crédibilité accorder à ces témoignages ? Les blessures de la plus âgée des deux sœurs pourrait-elle l'empêcher de raconter ce qu'elle a vécu ? Les questions se multiplient sur la capacité des enquêteurs à exploiter la parole des deux petites filles présentes sur les les lieux de la tuerie de Chevaline, en Haute-Savoie.
La plus jeune des deux sœurs, Zeena, 4 ans, a déjà été entendue par des enquêteurs spécialisés dans le témoignage des enfants. Restée cachée pendant la fusillade parmi les bagages aux pieds de sa mère, elle a seulement pu confirmer qu'elle était en voiture avec son "papa", sa "maman" et "sa soeur". Elle "a entendu mais n'a rien vu" du drame et a donc été incapable de fournir des éléments utiles à l'enquête, a fait savoir le procureur de la République d'Annecy Eric Maillaud.
"UNE CONVERSATION SANS RUPTURE"
Selon Le Figaro, la petite fille a été interrogée par "deux gendarmes de la section de recherches de Chambéry et du groupement départemental, spécialement formés à la méthode "Mélanie" pour se mettre au chevet de jeunes mineurs victimes". Un traducteur était également présent. "Sa chambre a été aménagée et agrémentée avec des couleurs vives, en y installant des peluches et de petits fauteuils pour lui créer un cadre agréable et réconfortant", explique un officier supérieur au quotidien. "Sur le ton d'une conversation sans rupture, on fait en sorte que la gamine évoque l'affaire sans qu'aucune question directe ne lui soit posée..."
"L'idée, c'est d'amener un enfant à dire des choses sans qu'on lui pose trop de questions. Bien souvent, un enfant a envie de faire plaisir et a tendance a dire 'oui' parce qu'il pense que ça fera plaisir de dire 'oui'. Et c'est dramatique pour l'enquête", a expliqué le procureur Eric Maillaud.
DES PROCHES À LEUR CHEVET
L'âge de la fillette complique en effet le travail des policiers, mais laisse tout de même des espoirs aux enquêteurs. Interrogé par BFMTV, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik explique ainsi que "si elle est sécurisée après la tragédie et qu'on ne la bouscule pas, elle aura besoin de parler en situation de confiance et à ce moment là, son témoignage aura une certaine valeur".
Dans ce but, des membres de la famille des fillettes sont arrivés en France et pourraient rencontrer prochainement la cadette en présence d'un enquêteur, a indiqué samedi le parquet d'Annecy à l'AFP. Il s'agit d'"un homme et d'une femme, accompagnés d'un enquêteur social britannique", a déclaré le procureur de la République d'Annecy. "Je ne sais pas quand ils pourront voir la petite fille. Il faut qu'on s'assure que ça puisse se faire sans difficulté", a-t-il ajouté. Les rencontres se feront "systématiquement" en présence d'un enquêteur français, a-t-il précisé.
ZAINAB ENCORE DANS LE COMA
Mais les enquêteurs attendent surtout le futur témoignage de Zainab, la plus âgée des deux sœurs, grièvement blessée pendant le drame. "Les enquêteurs souhaitent l'entendre le plus vite possible et avec le plus de délicatesse possible", a déclaré samedi 8 septembre le procureur de la République.
Zainab, dont le pronostic vital était engagé le soir du drame, a reçu des coups extrêmement violents à la tête et une balle dans l'épaule, tandis que ses parents étaient tués de deux balles dans la tête, dans leur voiture. La fillette restait plongée samedi dans un coma artificiel pour permettre à son corps de récupérer. Mais, après sa sortie du coma, quand les médecins la jugeront prête, des enquêteurs devraient l'auditionner, le parquet la considérant comme un "témoin-clé". L'audition de la petite Zainab doit être filmée, comme le prévoit la loi française pour les mineurs. Elle sera menée par des gendarmes spécialisés dans les auditions de mineurs.
Selon Boris Cyrulnik, "il faut d'abord la soigner, évidemment, puis la mettre en confiance. Il ne faut pas lui poser de question mais attendre qu'elle veuille bien parler. Elle aura probablement envie de parler, d'ailleurs, et il suffira de l'inviter à la parole." Quant à la question de la crédibilité des témoignages des enfants, souvent sujet à débats, le pédopsychiatre estime que "le témoignage de la petite fille de 7 ans désignera plus le réel que la fille de 4 ans".
Les deux petites filles ont été placées sous protection rapprochée pour éviter tout atteinte à leur vie. Selon Le Figaro, des hommes en armes se relaient toutes les quatre heures devant la porte de la chambre de Zainab.
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