Chine : la difficile mue du système de santé
La deuxième puissance économique mondiale s’est promis d’avoir un système de santé en adéquation avec son rang international. L’actuel ministre de la Santéchinois, Chen Zhu, a lancé une ambitieuse réforme à coup de milliards de yuans. Deux axes sont poursuivis : l’instauration d’une couverture sociale universelle, et la modernisation du parc hospitalier.
Le premier acte paraît bien engagé. Plus de 95 % de la population bénéficie aujourd’hui d’un équivalent de Sécu, une prouesse atteinte en trois petites années, souligne l’Organisation internationale du travail. Les laissés pour compte du système de soins sont les principaux bénéficiaires de cette révolution - en particulier la population rurale, les citadins sans emploi, les personnes âgées et les handicapés. L’affichage politique est satisfaisant, mais les inégalités demeurent : si la couverture s’est grandement élargie, le taux de couverture, lui, reste faible, et ne couvre pas certains soins.
L’autre pilier de la réforme avance également à marche forcée. La Chine s’inspire d’expériences étrangères pour mettre à niveau ses hôpitaux publics gangrénés par la corruption. La France est mise à contribution : plusieurs hôpitaux français sont les partenaires d’hôpitaux chinoispilotes, où sont testées de nouvelles méthodes d’organisation et de management. Des délégations chinoises de directeurs d’hôpital ou de médecins viennent régulièrement visiter des hôpitaux de l’AP-HP ou de province ; la France participe également au programme de formation des médecins généralistes à Pékin.
17 000 conflits violents à l’hôpital en 2010
Le succès est au rendez-vous sur certains plans, mais des points noirs persistent. La relation médecin-malade, en particulier, se dégrade considérablement. Sept hôpitaux chinois sur dix ont connu des scènes de violence en 2010 (17 000 conflits violents ont été recensés cette année-là). Le meurtre d’un interne par un patient de 17 ans a marqué la Chine. Trois autres médecins ont été grièvement blessés lors de l’altercation. Mais d’après un sondage Internet, deux Chinois sur trois ont pris le parti du patient. Il est plus valorisant en Chine d’être fonctionnaire que médecin, et même si les revenus médicaux viennent d’être revalorisés, l’image du praticien reste très dégradée dans l’opinion.
Deux circulaires récentes visent à rétablir l’ordre dans les hôpitaux publics. La sécurité aux abords des hôpitaux est renforcée, de même que les sanctions en cas de violences contre les blouses blanches. Chaque hôpital a par ailleurs l’obligation de créer un bureau des plaintes. Mais l’enjeu numéro un pour le gouvernement chinois est ailleurs. Il s’agit, avant tout, d’interdire aux hôpitaux la vente de médicaments douteux, source de juteux profits. Le dernier scandale remonte au mois d’avril. Neuf laboratoires ont été accusés d’avoir utilisé du vieux cuir recyclé, contenant du chrome - toxique -, pour fabriquer les capsules de 14 médicaments différents.
L’avenir de la réforme en suspens
La Chine parviendra-t-elle à réformer, outre ses infrastructures, les mentalités ? Le ministre Chen Zhu est bien décidé à mener le plan d’action à son terme. Francophone et francophile, médecin de renommée internationale, c’est l’unique membre du gouvernement à n’être pas membre du parti communiste chinois. Lequel PCC, ébranlé par l’affaire Bo Xilai (un dignitaire déchu après la condamnation à mort avec sursis de son épouse, qui a reconnu avoir assassiné un Anglais), se trouve à la veille d’un grand chambardement : c’est en octobre que se tiendra son comité permanent, à l’issue duquel seront nommés le président de la république, le secrétaire général du parti et le premier ministre. Une série de remaniements à la tête de certains ministères devrait suivre. L’avenir de la réforme du système de santé chinoisdépend en partie de ce jeu de chaises musicales annoncé.
lequotidiendumedecin.fr 04/09/2012
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