par Coralie Schaub publié le 26 octobre 2022
Sur la couverture, une seule image, saisissante. La série de bandes de couleur verticales représentant la température moyenne à la surface du globe depuis 1600 jusqu’en 2021 passe du bleu (les années les plus froides) au rouge de plus en plus foncé (les plus chaudes, toutes les plus récentes). Dès les premières pages, quelques graphiques offrent un résumé très clair de la situation. Les températures moyennes mondiales ont déjà augmenté de près de 1,2°C depuis l’époque préindustrielle (1850).
Contributions limpides
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur le changement climatique (Giec, qui regroupe 234 scientifiques de 66 pays) est formel, Homo sapiens est en cause. Les émissions de gaz à effet de serre (GES, dont le carbone, le méthane, l’oxyde nitreux et les composés fluorés) liées à l’activité humaine ont atteint des concentrations atmosphériques jamais enregistrées en plusieurs millions d’années, depuis une époque où des arbres poussaient au pôle Sud et où le niveau de la mer s’était élevé de 20 mètres. Malgré les sévères mises en garde remontant aux années 80 et 90, nous avons émis plus de CO2 depuis 1991 qu’au cours du reste de l’histoire de l’humanité. Certains pays portent une bien plus lourde responsabilité historique en termes d’émissions de GES que d’autres (dans l’ordre décroissant des plus pollueurs entre 1850 et 2021 : Etats-Unis, Chine, Russie, Allemagne, Royaume-Uni, Japon, Inde, France, Canada, Ukraine).
En 2015, presque tous les pays du monde ont signé l’accord de Paris,dont l’objectif est de stabiliser le réchauffement planétaire bien en dessous du seuil de 2°C et, idéalement, à moins de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Or «le monde est mal parti pour atteindre ces objectifs», rappelle le livre. Car «il y a un énorme décalage entre les engagements des Etats et les mesures que ceux-ci ont effectivement mises en œuvre. Une grande part des émissions – celles, par exemple, issues des transports internationaux de passagers et de marchandises, et beaucoup de celles liées à l’armée – n’est soit pas déclarée soit pas comptabilisée». Résultat : le Giec estime qu’avec les politiques climatiques actuelles, le réchauffement planétaire atteindra 3,2 °C d’ici à 2100. Soit un monde très peu vivable, et c’est un euphémisme.
«Pour résoudre ce problème, il nous faut d’abord le comprendre»,insiste Greta Thunberg, qui a elle-même écrit plusieurs chapitres introduisant les contributions des scientifiques. Limpides, celles-ci expliquent notamment ce qu’est le CO2, comment le changement climatique a été découvert, le lien entre celui-ci et la sixième extinction des espèces, ce qu’est un «dôme de chaleur» ou ce qu’il en est des calottes glaciaires et glaciers. Le réchauffement des océans et la montée des eaux, les microplastiques, le devenir des insectes ou les impacts sur les différentes forêts du globe sont aussi exposés par les meilleurs spécialistes de ces sujets. Le livre présente le large panorama des conséquences déjà funestes pour l’humanité : maladies liées à la chaleur, pertes des terres fertiles, effets sur l’alimentation et la nutrition (par Samuel Myers, chercheur de l’université Harvard et directeur de l’Alliance santé planétaire), réfugiés climatiques, pénuries d’eau, conflits climatiques… Bref, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.
Immobilisme face au désastre annoncé
Qu’avons-nous fait jusqu’ici pour remédier à «l’effroyable situation qui est la nôtre», interroge l’ouvrage. Rien, ou presque. Historienne des sciences et professeure à Harvard, l’Américaine Naomi Oreskesraconte très bien les ressorts de cet immobilisme face au désastre annoncé. Même aujourd’hui, le déni est toujours de mise, les énergies fossiles toujours reines, le consumérisme dévore plus que jamais la planète et le recyclage est un «mythe».
Alors, que faire maintenant ? «Le moyen le plus efficace de nous en sortir est de nous éduquer», martèle Greta Thunberg. Il s’agit aussi de «changer notre alimentation» pour qu’elle soit moins carnée, de«se souvenir de l’océan» ou encore de «réensauvager» le monde en restaurant massivement les écosystèmes dont nous dépendons pour vivre. L’écrivaine Margaret Atwood, dont on apprend que le père était «entomologiste forestier» et qu’elle a écrit un roman écolo, le Dernier Homme, est aussi de la partie. Connue pour ses dystopies comme la Servante écarlate, elle plaide ici pour des «utopies pragmatiques» nous permettant de créer une société qui piégerait plus de carbone qu’elle n’en émettrait, tout en étant plus juste, plus égale.
«L’espoir, c’est agir»
Le grand climatologue américain Michael Mann estime qu’il faut «résister au nouveau déni» orchestré par l’industrie des énergies fossiles qui nous incitent à nous concentrer sur l’empreinte carbone des individus pour mieux masquer la leur, bien plus impressionnante. L’altermondialiste canadienne Naomi Kleinrappelle qu’une «transition juste» est nécessaire. Comme les économistes français Lucas Chancel et Thomas Piketty, selon lesquels il n’y a «pas de réelle sortie des énergies fossiles sans une réelle redistribution de revenu et de patrimoine».
L’ouvrage s’achève par une longue liste d’actions «à notre portée, si nous le souhaitons». A notre portée à tous, en tant que société et en tant qu’individus, sachant que «certains d’entre nous peuvent en faire plus que d’autres» (politiques, médias, célébrités…). «L’espoir, c’est agir», conclut Greta Thunberg. Et de citer le secrétaire général des Nations unies, António Guterres : «Le moment est venu de transformer la rage en actes. Chaque fraction de degré compte. Chaque voix peut changer la donne. Et chaque seconde compte.»
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