par Perrine Bontemps publié le 14 septembre 2022
«Arrêtez de vous dorer la pilule !» : en une de son édition du 23 août, Libération appelait à se mobiliser sur le sujet de la contraception masculine, une «question cruciale pour l’égalité entre les genres». A l’occasion, le journal publiait dans ses pages un appel signé par une vingtaine de personnalités de tous horizons (Christophe André, Guillaume Meurice, Samuel Etienne, Martin Winckler…) accompagnée d’une pétition en ligne, pour inciter les pouvoirs publics et les laboratoires à lancer une véritable politique de recherche en matière de contraception masculine. «L’égalité femmes-hommes ne sera réelle en matière de santé sexuelle que lorsque les hommes prendront leur part en matière de contraception», pouvait-on lire dans l’appel.
Largement relayée et commentée sur les réseaux sociaux, la pétition a été signée à ce jour par plus de 30 000 personnes, dont de nombreux hommes, désireux de «prendre leur responsabilité» en la matière. Le texte interpellait directement le ministre de la Santé, François Braun. En réaction, son cabinet, contacté, a affirmé être«soucieux de cette problématique», qu’il est «prévu d’inscrire dans le programme de travail 2023 de la Haute Autorité de santé, afin de réaliser un état des lieux des connaissances et d’établir des recommandations sur l’ensemble des méthodes».
De la vasectomie au slip contraceptif, cinq hommes qui ont déjà sauté le pas, malgré les freins, racontent à Libération leur démarche.
Vincent, 37 ans, vasectomisé : «Il était clair que je ne voulais pas d’autres enfants»
«J’ai eu recours à la vasectomie en juillet dernier. Ma compagne m’avait parlé de cette méthode il y a quelques années, mais ça ne me semblait pas l’heure de m’y mettre. Ensuite, on a eu notre troisième enfant, qui n’était pas prévu. Ma compagne a décidé de se faire poser un stérilet, mais c’est devenu très contraignant et douloureux.
«Je me suis renseigné sur les différents modes de contraception, comme le slip chauffant, mais je les trouvais contraignants. J’habite en zone rurale, donc pour faire un spermogramme, par exemple, il faut aller à Dijon qui est à quarante-cinq minutes en train. L’élément déclencheur, ça a été qu’un ami, qui avait trois enfants, me dise qu’il allait en avoir un quatrième. Cette annonce a créé une réelle onde de choc chez moi. Il était clair que je ne voulais pas d’autres enfants, et ma compagne non plus. Etre parents de trois enfants, c’est déjà un exercice difficile. J’avais acquis cette certitude : je ne veux pas d’autres enfants. J’ai donc choisi la vasectomie.
«J’ai commencé par une visite chez mon généraliste. Il n’a pas été capable de me donner le contact d’un urologue. Ensuite, à ma première consultation avec l’urologue, j’espérais un discours rassurant, ce que je n’ai pas eu. Il m’a dit que ça serait très douloureux, il voulait me faire une anesthésie générale, m’a posé de nombreuses questions sur ma situation. L’opération s’est finalement très bien passée. Je suis sorti avec un arrêt maladie de quinze jours et des antalgiques. Finalement je n’ai pris aucun médicament. Je me suis arrêté le temps d’un week-end alors que je m’imaginais cloué au lit. Je ne peux pas dire que j’étais bien, mais la douleur était tout à fait surmontable.
«Quand on ne veut pas ou plus d’enfants, il y a cette solution qui est simple et efficace. Je suis content que ce sujet devienne médiatique.»
Kilian, 23 ans, porteur d’un anneau contraceptif : «Ça devient une habitude, un peu comme mettre ses lunettes»
«J’avais entendu parler de l’anneau il y a deux ans. En me mettant en couple avec ma compagne actuelle, je me suis dit que partager la charge contraceptive serait une bonne idée. Au début, c’était difficile de se renseigner, heureusement qu’il y a les forums en ligne et des collectifs. On a été très enthousiastes en voyant le dossier et la pétition de Libé. J’ai choisi d’acheter un anneau andro-switch [interdit depuis de commercialisation par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, faute de marquage «CE», ndlr]. Au départ, je voulais le porter trois mois pour faire un test, et comme tout s’est bien passé, j’ai décidé de continuer. Mais je n’ai pas bien suivi le protocole, j’avais commencé à le porter sans avis médical, donc le processus a mis plus longtemps que prévu. Il faut en premier lieu faire un spermogramme, puis commencer à porter l’anneau pendant trois mois, avant de refaire un spermogramme pour vérifier que l’on est bien contracepté.
«Mon dernier spermogramme remonte au 16 août, ma contraception est confirmée depuis ce moment-là. Depuis, je continue de porter l’anneau 15 heures par jour, comme prévu. Il est recommandé de faire des spermogrammes tous les trois mois pour vérifier que la contraception fonctionne bien. Le temps de port correspond au temps d’éveil. Ça devient une habitude, un peu comme mettre ses lunettes. Ça n’a pas changé grand-chose dans mon quotidien, si ce n’est que je suis content de répartir un peu la charge. En ce moment, ma compagne a un stérilet mais elle va sûrement l’enlever.»
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Erwan, 43 ans, utilisateur de la méthode thermique : «Au début, le sujet était souvent traité sur le ton de la rigolade»
«Je sais depuis longtemps que je ne veux pas être père, j’ai même entamé les démarches pour une vasectomie à 33 ans. Mais j’avais des réticences à cause de témoignages parlant de douleurs postopératoires à plus ou moins long terme. Les réponses données par l’urologue n’ont pas suffi à dissiper mes craintes, alors j’ai remis cette idée à plus tard.
«Des années plus tard, la question est revenue. J’ai rencontré une personne qui ne souhaitait utiliser ni méthode hormonale, ni DIU (stérilet). On a pratiqué le retrait, mais je ne trouvais pas ça satisfaisant. En reprenant mes recherches, j’ai découvert le site de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine. La méthode thermique m’intéressait et j’ai rencontré le Dr Roger Mieusset, pionnier en la matière, qui m’a proposé son modèle de slip. J’ai ainsi commencé ce mode de contraception, il y a maintenant six ans.
«Après trois ans, je suis passé au jockstrap, un modèle autofabriqué qui me convient mieux [qui permet de remonter les testicules pour les chauffer et bloquer ainsi la spermatogenèse]. J’utilise aussi un peu l’anneau en silicone, mais seulement en complément : il ne m’offre ni autant de confort, ni suffisamment de maintien et donc d’efficacité. Il est juste pratique à enfiler, ce qui m’aide dans certaines situations à respecter le quota d’heures nécessaires.
«Comme j’arrive facilement à ne plus produire aucun spermatozoïde, c’est essentiellement la rencontre d’une nouvelle partenaire stable qui m’amène à réaliser un spermogramme. Ça peut être compliqué d’obtenir un rendez-vous sans devoir attendre des mois ou se déplacer assez loin, mais prendre en charge ma contraception améliore ma vie. Mes relations sont plus épanouissantes : plus de respect, de communication, d’autonomie. Nos représentations et nos pratiques évoluent. On explore davantage, plus librement.
«Je suis cofondateur du Groupe d’action et de recherche pour la CONtraception appelé GARCON, je parle souvent de ça. Au début, le sujet était souvent traité sur le ton de la rigolade, aujourd’hui, il est davantage pris au sérieux, essentiellement sous l’impulsion des femmes : les hommes ne cherchent de solution que quand leur partenaire est dans l’impasse. Rares sont ceux qui tiennent à maîtriser leur fertilité par et pour eux-mêmes. En ce qui me concerne, je suis beaucoup plus tranquille d’esprit en étant assuré que je n’aurai plus à faire face à une grossesse non désirée, même en cas d’accident de préservatif. C’est important pour moi de maîtriser ma fertilité sans dépendre de mes partenaires et sans leur laisser la charge de la contraception.»
Maxime, 41 ans, vasectomisé : «C’est un petit geste face à ce que les femmes ont à supporter»
«Je suis en couple avec mon épouse depuis vingt ans, nous avons deux enfants. Elle prenait la pilule depuis l’âge de 15 ans. En tant que professionnel de santé, je savais que ce n’était pas anodin. Quand on a eu notre deuxième enfant, elle a décidé de se faire poser un stérilet. Au début ça allait, puis elle a eu des soucis : j’étais témoin des difficultés de la contraception, sans me dire pour autant que c’était à moi de prendre le relais. C’est elle qui m’a proposé la vasectomie. Nous avions regardé les autres méthodes, mais rien ne nous paraissait convaincant.
«Pour trouver un urologue, je suis allé sur Doctolib. Habitant Béziers, je suis allé consulter à Montpellier. Il a essayé de me rassurer sur le côté rapide et bénin de l’intervention mais il est resté très neutre, technique. C’était la première fois que je voyais un urologue et la première intervention médicale que je subissais. J’ai été opéré le 19 juillet dernier, ça s’est très bien passé, je me suis réveillé sans douleur. J’ai arrêté de travailler pendant deux jours au lieu des quinze qu’il m’avait prescrits. J’ai eu des problèmes de cicatrisation, mais rien de grave.
«Je sens que ma femme est reconnaissante, j’ai passé une étape dans la confiance qu’elle me fait et j’en suis content. Je l’ai vue souffrir pendant les accouchements, et je me sentais mal. C’est un petit geste face à ce que les femmes ont à supporter.
«Je n’aurais jamais abordé le sujet avec qui que ce soit, parce que pour moi c’est privé, mais mon épouse en a parlé. J’ai senti un blocage du côté de nos amis, qui sont pourtant des gens éduqués. Je n’ai donc pas souhaité aborder le sujet avec d’autres personnes, et c’est bien dommage. C’est parfois difficile d’aller à l’encontre des idées machistes, de la virilité, vous êtes vite catalogué.»
Manuel, 38 ans, sous contraception hormonale : «Si je devais le refaire, je choisirais un mode de contraception thermique»
«Mon ancienne compagne n’utilisait aucune méthode de contraception, on surveillait son cycle, en pratiquant le retrait. Mais un jour, elle est tombée enceinte et a dû avorter. Nous avons alors décidé que je prendrai en charge la contraception. C’était il y a sept ans.
«Je me suis renseigné sur les techniques. J’ai essayé le slip chauffant, étonnamment confortable. Mais allant à la piscine régulièrement, je n’avais pas envie de devoir expliquer ce que c’était dans les vestiaires. Mon choix s’est finalement porté sur la contraception hormonale, à base d’une injection intramusculaire de testostérone chaque semaine, pendant deux ans. Au-delà de ce délai, il n’y a pas de données scientifiques pour connaître les effets de cette méthode, ce n’est donc pas recommandé. L’injection est très dure à réaliser soi-même, mieux vaut se faire aider.
«Après les trois premières injections, j’ai eu des bouffées de chaleur, j’étais dans un état inhabituel. J’ai failli arrêter. Mais les effets indésirables s’estompent vite. Ensuite, il faut réaliser un spermogramme régulièrement pour vérifier l’efficacité de la contraception.
«Si je devais le refaire, je choisirais un mode de contraception thermique, car j’ai eu des effets secondaires à long terme, sur ma pilosité notamment. Une de mes motivations était d’épargner ma compagne des effets secondaires des hormones sur son corps. Mais je ne le conseille pas forcément aux hommes non plus.»
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