Par Anne Rodier. Publié le 08 septembre 2022
Le baromètre annuel Malakoff Humanis, publié jeudi 8 septembre, révèle le poids croissant des risques psychosociaux au travail.
Les entreprises du secteur privé sont quasiment revenues à leur niveau d’absentéisme d’avant Covid, mais la santé mentale des salariés se dégrade, indique le baromètre annuel du groupe mutualiste Malakoff Humanis, publié jeudi 8 septembre. Une plongée dans les résultats de l’étude depuis 2016 démontre cette tendance, année après année.
Pas d’alarmisme pour autant. La majorité des salariés se portent bien : 54 % des 1 800 personnes interrogées entre le 5 et le 30 mai estiment être en bon état de santé physique et mental. Sur le long terme, le nombre d’absents pour maladie est relativement stable. 42 % des salariés interrogés se sont vu prescrire un arrêt de travail dans les douze derniers mois, contre 44 % en 2019 et 41 % en 2016. Les plus vulnérables restent les jeunes (18-34 ans) et les femmes. Paradoxalement, plus on est vieux, moins on prend d’arrêt maladie.
Mais la nature des absences change, caractérisant une dégradation de la santé mentale des salariés, en particulier chez les plus jeunes. Hors Covid, les arrêts de travail pour troubles psychologiques ou épuisement professionnel sont les seuls à progresser régulièrement. Ils sont passés de 15 % en 2020 à 17 % en 2021 et 20 % en 2022. Soit un arrêt prescrit sur cinq. « C’était un sur dix en 2016… Une vraie nette progression », commente Anne-Sophie Godon, directrice des services chez Malakoff Humanis.
Chez les 18-34 ans, les arrêts prescrits pour troubles psychologiques (dépression, anxiété, stress, épuisement professionnel, burn-out…) ont bondi : passant de 9 % en 2016 à 19 % en 2022. Ces trois dernières années, la consommation de somnifères, d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs a doublé chez les salariés de moins de 30 ans, précise le département d’études stratégiques du mutualiste. « Fatigue, stress au travail, déséquilibre vie privée-vie professionnelle… un certain nombre de facteurs de risque ont augmenté ces dernières années pour les jeunes », analyse Mme Godon.
Première cause des arrêts longs
La santé mentale des salariés est ainsi devenue le deuxième motif d’arrêt maladie hors Covid, juste derrière le tout-venant des affections ordinaires (rhume, grippe, angine, gastro-entérite, etc.). Les troubles psychologiques sont désormais à l’origine de plus d’arrêts maladie que les troubles musculo-squelettiques, les accidents et les traumatismes.
Les pathologies mentales sont même devenues la première cause des arrêts longs. Les absences de plus d’un mois (hors motif Covid) ne représentent que 14 % des arrêts prescrits, mais ils affectent la majorité des entreprises : 64 % d’entre elles ont connu au moins un arrêt long dans les douze derniers mois. Ce qui n’est pas sans poser de gros problèmes d’organisation, 30 % des entreprises interrogées ne remplaçant leurs salariés qu’à partir d’un mois d’absence. Et les difficultés de recrutement touchent de plus en plus de secteurs.
Pour cette édition du baromètre, Malakoff Humanis a également consulté 400 dirigeants du secteur privé. Sans surprise, salariés et dirigeants ne donnent pas la même explication aux arrêts maladie pour troubles psychologiques. Les salariés en attribuent l’origine aux pratiques managériales (manque de confiance, de reconnaissance, trop de contrôle), aux exigences de leur travail (trop grande ou trop faible autonomie, objectifs disproportionnés) et à leur environnement professionnel, tandis que pour les dirigeants la cause est essentiellement liée à un contexte personnel ou familial compliqué, une cause extérieure à l’entreprise (contrainte sociétale, maladie, deuil).
« Après deux années d’événements exceptionnels, c’est un peu tôt pour dessiner une tendance, mais on voit bien des alertes sur le poids des fragilités sociales qui imposent d’être attentif aux risques psychosociaux », met en garde Anne-Sophie Godon.
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