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jeudi 15 septembre 2022

Fin de vie : Emmanuel Macron avance sans conviction

par Jean-Baptiste Daoulaspublié le 12 septembre 2022

Le Président s’engage au vote d’une loi sur l’aide active à mourir avant la fin de l’année 2023, tout en refusant d’exprimer ses préférences sur un sujet qu’il a longtemps tenté d’éviter.

Emmanuel Macron n’avance qu’à pas prudents vers la légalisation de l’aide médicale active à mourir. Une fois connu un nouvel avis du Comité national consultatif d’éthique, rendu public ce mardi matin et qui devrait exprimer «une opinion dissidente», c’est-à-dire sans consensus entre ses membres, le Président compte annoncer la mise en place d’une convention citoyenne en octobre. D’une durée de six mois, elle sera le prélude à une nouvelle loi. L’objectif est d’aller vite puisque le chef de l’Etat compte «faire changer le cadre légal» avant la fin de l’année 2023.

Emmanuel Macron entoure malgré tout cette avancée de nombreuses précautions. Il insiste sur le fait qu’il ne croit pas aux sondages qui indiquent que les Français seraient massivement en faveur de cette évolution législative. Le chef de l’Etat se méfie ainsi de la formulation des questions. «Personne ne veut finir sa vie dans l’indignité, a-t-il pointé lundi au cours d’une rencontre avec l’Association de la presse présidentielle. Si vous faites un sondage pour me demander s’il faut modifier la loi pour finir sa vie dans la dignité, j’ai plutôt envie de vous dire oui.» Le Président insiste sur l’association aux discussions des professionnels des soins palliatifs, souvent critiques sur la perspective d’une nouvelle loi. Ils ne sont «pas suffisamment reconnus», a-t-il tenu à les flatter publiquement. Pour ne pas cliver, Macron se garde d’exprimer ses convictions. Il se contente de déclarer que le système actuel est «assez imparfait».«Je n’ai pas de position officielle, insiste-t-il. J’ai besoin d’une consultation citoyenne de manière honnête, pour qu’elle éclaire et qu’elle propose.» Au passage, le chef de l’Etat fait son autocritique sur la Convention citoyenne sur le climat (CCC), dont «le champ était beaucoup trop large». Il compte donc ne faire plancher les citoyens que sur une seule question. Son engagement de reprendre «sans filtre» les propositions de la CCC était aussi une erreur, reconnaît-il désormais, en créant «un conflit de légitimité avec le Parlement et le gouvernement».

Formule ambiguë

Emmanuel Macron parvient donc à des gages sur une réforme de société réclamée par sa majorité et de nombreux partis d’opposition sans chercher à l’incarner politiquement. Le Président avait déjà passé le quinquennat précédent à esquiver le débat sur la fin de vie. Dans la campagne présidentielle de 2017, il s’était contenté d’une formule ambiguë : «Moi, je souhaite choisir ma fin de vie.» Pro comme anti-euthanasie l’avaient interprétée comme un soutien à leur cause… sans jamais être démentis par l’intéressé. Rebelote en 2018 au cours d’un dîner à l’Elysée réunissant des ecclésiastiques, des intellectuels, des professionnels des soins palliatifs et des militants du droit à l’euthanasie. Ce soir-là, Macron se contente d’écouter et conclut les débats avec un propos général. Ni pour ni contre, bien au contraire.

Malgré le soutien massif de députés de tout bord, y compris au sein de La République en marche, une proposition de loi est restée bloquée au Parlement en avril 2021 : la droite avait multiplié à l’Assemblée les amendements pour empêcher les débats d’avancer et le gouvernement n’avait pas repris, par la suite, ce texte à son compte. «Emmanuel Macron souffre du syndrome François Hollande, résume le député Olivier Falorni, auteur de la proposition de loi. Les présidents, dans une forme de décalage avec la société, considèrent que l’on peut faire une grande réforme de société par mandat, mais pas deux. C’est une erreur totale.» Le Président assume de n’avoir mené à bien que la PMA pour toutes, dans le cadre de la révision de la loi bioéthique, au cours de son premier mandat. «Le chantier bioéthique était immense», s’est justifié le Président lundi pour expliquer son retard à l’allumage sur la fin de vie.

«Marqueur sociétal»

«Les questions de société, ce n’est pas son truc», tranche l’élu parisien Jean-Luc Romero, président de l’association pour le droit à mourir dans la dignité. Selon lui, Macron n’a accepté d’évoluer que sous la pression de l’Assemblée nationale, où un groupe d’opposition peut prendre l’initiative de déposer une proposition de loi sur la fin de vie dans les prochains mois. Plutôt que de subir le calendrier, autant prendre les choses en main. «Il est dans sa phase : «Dans cinq ans, c’est fini. Qu’est-ce que je vais laisser comme trace ?» Comme la fin de vie est un marqueur sociétal, il prend le sens du vent, persifle un parlementaire de l’aile droite de la majorité opposé à l’euthanasie. En réalité, je pense qu’Emmanuel Macron est très conservateur sur les questions de société.» Peu enthousiaste pour porter la réforme de la PMA pour toutes, le Président a plusieurs fois fâché les associations féministes en s’opposant à l’allongement de 12 à 14 semaines pour autoriser une interruption volontaire de grossesse, mesure portée (et adoptée) par sa précédente majorité, et en s’entêtant à qualifier une IVG de «traumatisme» pour les femmes. Pas exactement la définition du progressisme.


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