Par Solène Cordier Publié le 21 septembre 2022
Ces dispositions interviennent au moment où la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) dresse un inventaire de sa première année d’appel à témoignages. Elle en a recueilli plus de 16 000.
Quatre mois après sa nomination au sein du gouvernement d’Elisabeth Borne, Charlotte Caubel, la secrétaire d’Etat chargée de l’enfance auprès de la première ministre, annonce dans Le Figaro, mercredi 21 septembre, plusieurs mesures destinées à lutter contre l’inceste et les violences sexuelles sur mineurs, qui touchent 160 000 enfants chaque année.
La première consiste en la mise en œuvre d’une grande campagne nationale de lutte contre ces violences, qui sera lancée début 2023, selon l’entourage de la secrétaire d’Etat. L’occasion à la fois de faire connaître au grand public « les manifestations et les conséquences » de ces violences sur les victimes, ainsi que de « mobiliser les témoins ». Avec l’objectif de briser le silence entourant ces situations, qui ont bien souvent lieu dans le huis clos familial.
Autre annonce : la création d’une cellule de conseil et de soutien pour les professionnels qui sont destinataires des révélations des enfants, afin de les « appuyer » et de « les aiguiller vers le dispositif le plus apte à prendre en charge leur signalement ». Elle démarrera ses travaux « le plus rapidement possible », idéalement début 2023.
Une autre disposition, qui nécessitera, elle, une modification de la loi, est en parallèle portée par le ministère de la justice. Il s’agit de prévoir le retrait de principe de l’exercice l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant, « sauf mention contraire de la juridiction de jugement par motivation spéciale ». A l’heure actuelle, cette sanction n’est pas systématique. Ce changement est réclamé de longue date par les associations d’aide aux victimes d’inceste.
Un impact traumatique sur le long terme
L’accompagnement de l’enfant pendant la procédure pénale, par des associations d’aide aux victimes et « avec l’intervention d’un administrateur ad hoc, en cas de défaillance parentale », est également prévu. Reste à savoir quel véhicule législatif permettra leur entrée en vigueur.
Ces mesures, les premières annoncées par le nouveau gouvernement en matière de violences sexuelles sur mineurs, s’inspirent largement des propositions faites par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), mise sur pied par Emmanuel Macron en janvier 2021. L’instance, créée après la parution de La Familia grande, de Camille Kouchner (Le Seuil), qui raconte l’inceste subi enfant par son frère, a pour mission d’aiguiller les politiques publiques dans la réponse à apporter à ces violences.
Le jour choisi pour les annonces gouvernementales ne doit d’ailleurs rien au hasard : c’est aussi la date à laquelle la Ciivise communique, sous forme de bilan, les enseignements issus de son appel à témoignages destiné aux victimes de violences sexuelles et/ou d’inceste, lancé en septembre 2021.
Un an après, 16 414 témoignages ont été recueillis par le biais du site Internet, du numéro d’urgence, lors de réunions publiques ou d’auditions à la Ciivise. Ce sont les femmes qui entreprennent la démarche, dans l’immense majorité des cas (88 % des témoignages), avec une moyenne d’âge de 44 ans. Et 13 % des victimes sont en situation de handicap, souligne la commission.
Que faut-il retenir de leurs récits ? « Ce que disent ces témoignages, c’est la gravité de la souffrance éprouvée par les victimes et sa persistance dans le temps, tout au long de la vie », souligne Edouard Durand, coprésident de l’instance. C’est d’ailleurs sur cet aspect spécifique, l’impact traumatique sur le long terme, que la Ciivise insiste à l’occasion de ce premier anniversaire. « Qu’un tiers s’autorise à faire de vous un objet vient attaquer l’existence très en profondeur », résume le magistrat, ancien juge des enfants.
La nécessité d’un engagement financier de l’Etat
Le dépouillement des 6 526 questionnaires remplis en l’espace d’un an par les victimes permet d’éclairer les conséquences multiples que ces violences entraînent.
Avoir été victime dès le plus jeune âge a des conséquences graves à la fois sur la santé, physique et psychique, et sur le développement de la construction de la personnalité, qui peuvent se traduire par la survenue de conduites addictives, de troubles alimentaires ainsi qu’une exposition plus forte au risque suicidaire, rappelle ainsi la commission.
A l’occasion de ce bilan, publié en pleine période d’arbitrages budgétaires dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale, la Ciivise a tenu à rappeler aux pouvoirs publics cinq de ses recommandations, sur les vingt présentées en mars, qui nécessitent justement un engagement financier de l’Etat. Deux d’entre elles – le lancement de la grande campagne d’information nationale et la création de la cellule d’accompagnement – se retrouvent dans les annonces gouvernementales.
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