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mercredi 25 mai 2022

Chronique «Aux petits soins» Olivier Véran ou l’occasion manquée d’une réforme profonde du système de santé

 


par Eric Favereau  publié le 24 mai 2022

Des personnalités du monde de la santé posent un regard plutôt déçu sur le bilan de l’ex-ministre de la Santé.

«Jamais un ministre de la Santé n’a eu autant de visibilité, confiait récemment un ancien haut fonctionnaire de l’avenue de Ségur.Jamais aussi ce ministère n’a eu autant de cartes en main pour se défendre.» Quand il prend ses fonctions, succédant à Agnès Buzyn le 17 février 2020, Olivier Véran affiche un grand sourire, ravi de sa nomination, auréolé de la puissance du travail parlementaire qu’il a affichée lors des débats sur les comptes de la sécurité sociale. Jeune, 40 ans, avec sa façon de parler aussi vite qu’une mitraillette, le député isérois ne se doute en rien de ce qui l’attend. Et sur le moment, sa nomination est plutôt bien perçue par le monde de la santé. Son dynamisme et sa forte capacité de travail séduisent. Deux ans et quelques mois plus tard, lui qui rêvait de rester avenue de Ségur est descendu d’une marche. Le voilà simple ministre délégué en charge des Relations avec le parlement et à la vie démocratique dans le gouvernement Borne. Et il laisse derrière lui un bilan incertain.

Nous avons interrogé une dizaine de personnalités du monde de la santé sur ce qu’elles pensaient de l’aventure ministérielle de Véran. D’abord, tous reconnaissent qu’au cours de deux années chahutées par le Covid, Olivier Véran n’a pas chaviré. Il a tenu la barre face au coronavirus. «Plutôt pas mal», résistant à tous les vents contraires, note un de nos interlocuteurs. «Compte tenu de la situation, on ne peut pas dire qu’il a été mauvais. Il était clair dans ce qu’il disait, et cela autant qu’il le pouvait», concède Michel Bourrelly, militant historique de la lutte contre le sida. «C’était correct, même s’il a suivi les tendances sur les masques et les tests», tempère néanmoins Dominique Maraninchi, ancien directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui ajoute : «Politiquement adroit, il n’a pas généré d’anticorps.»

«Petit soldat obéissant»

«Sur la pandémie, poursuit François Aubart, chirurgien et ancien syndicaliste hospitalier, il a porté des choix utiles et difficiles devant une situation où les inconnues et les fake news constituaient le quotidien.» «On peut quand même regretter l’absence de tout débat de santé publique, et par exemple sur l’obligation vaccinale», remarque François Bourdillon, ancien directeur de Santé publique France. Tous lui reconnaissent, bon gré mal gré, d’avoir assuré en ces temps impossibles. Mais était-ce pour autant suffisant ? Pourquoi diable, comme le note le professeur André Grimaldi, a-t-il eu besoin de valider la communication gouvernementale sur les masques et les tests, allant jusqu’à dire peu après sa nomination que «les masques étaient inutiles». Certains le dédouanent en disant qu’il se devait d’être solidaire dans la barque gouvernementale. Mais «Véran aurait pu prendre un peu de distance. Il n’avait rien à perdre. Il s’est révélé dès le début comme un petit soldat obéissant, perdant de fait toute autonomie», poursuit André Grimaldi.

Reste les autres dossiers, et en particulier l’hôpital. «A-t-il gagné ou perdu des arbitrages ? s’interroge François Aubart. En tout cas, le constat est là : il laisse l’hôpital dans un état de catastrophe sans précédent.» «Il n’a rien su impulser. Il a été aux ordres du monarque», surenchérit le professeur André Grimaldi qui se montre, là encore, très sévère : «Il n’a pas cherché à imposer un débat de démocratie sanitaire. Il a toujours cherché à positiver en appliquant la méthode Coué, en gonflant les données par exemple en parlant des 12 000 lits de réanimation disponibles durant l’été 2020, alors que c’était faux. Au final, il a été incapable de proposer une autre politique de santé.»

«L’occasion n’a pas été saisie»

«Son bilan ? Regardez l’état de l’hôpital, et vous avez la réponse, lâche le professeur de santé publique Alfred Spira. Il a laissé la santé publique en plan, la démocratie sanitaire n’a pas progressé du tout, il a laissé l’emprise du monde de l’argent continuer à s’étendre sur le monde de la santé. Mais peut-être ne pouvait-il pas faire tout en même temps ?»

A l’inverse, Edouard Couty, ancien directeur de centres hospitaliers, estime que Véran a été un bon ministre. «Il est arrivé avec beaucoup d’ambitions pour la santé, la médecine de ville et l’hôpital, mais hélas la pandémie ne lui a pas laissé d’autre choix que de faire face et de gérer une crise sans précédent. Ce qu’il a fait avec détermination et compétence, gérant plutôt bien la question du vaccin. Et puis il a su faire avec les professionnels de santé.» Mais, «comme toujours, certains pensent qu’ils auraient mieux fait à sa place», ironise Couty, devenu médiateur national de santé.

Bruno Falissard, psychiatre, a néanmoins un regret. «Il n’a pas su révéler, ni aborder les problèmes réels du système de santé.» De fait, c’est peut-être ce qui pèse le plus lourd dans son bilan, dessinant un rendez-vous manqué. «Il a vécu une situation inédite qui aurait pu permettre un changement décisif. L’occasion n’a pas été saisie, et l’on ressort tous abattus», conclut ainsi un ancien directeur général de la santé. Pourtant, en quittant la semaine dernière l’avenue de Ségur, Olivier Véran a fait du Véran. A sa successeuse, Brigitte Bourguignon, il a lancé : «Nous pouvons être fiers d’avoir contribué aux transformations qui ont amélioré le quotidien des Français, du 100% santé au versement des pensions alimentaires, au Ségur de la santé, au renforcement de l’IVG ou encore à la fin du numerus clausus.» S’il le dit


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