Par Paul Weyer Publié le
« Mais pourquoi psychanalyser les enfants ? » (éditions du Cerf). Voilà un titre qui va à l’essentiel. C’est celui choisi par le philosophe et psychanalyste Pierre-Henri Castel pour son dernier livre.
Pourquoi psychanalyser les enfants ? La question arrive à point nommé. Alors que nombre de pédopsychiatres se contentent de prescrire des psychotropes aux enfants mutiques ou agités, que la pandémie aura renforcé l’isolement de familles désemparées, Pierre-Henri Castel part en guerre contre ces méthodes. La thèse centrale qu’il défend est limpide : la psychanalyse des enfants est un rituel thérapeutique. Au même titre que ceux qui s’exercent dans les sociétés traditionnelles, en Afrique notamment. Et qui dit « rituel » suppose « la fin de l’isolement et la réinsertion créative des aventures de la personne dans les processus collectifs ». Cela est vrai des Wolofs du Sénégal comme des enfants à problèmes de nos contrées.
Certes, la finalité de la guérison change de l’une à l’autre de ces sociétés. Un chaman n’est pas un psychanalyste. Aller bien ou aller mal n’a pas le même sens. Dans une société lignagère, l’enfant « mauvais », c’est ainsi qu’on le nomme, est un enfant sous la coupe du « mauvais œil », qui s’exclut du groupe, et se doit de rejoindre « la hiérarchie rigide des générations ». Chez nous, il s’agit « de transformer l’enfant-problème en membre autonome d’une société individualiste ». Cela ne va pas de soi. Se projeter quand on est un enfant récalcitrant dans une vie intéressante, trouver sa place quand les liens sociaux sont coupés, relève de l’exploit. Il faut au psychanalyste un savoir-faire, une inventivité constante. Il lui faut installer une forme de coopération, d’interactions, de jeu, permettant de traiter les enfants comme des partenaires afin de les socialiser.
JEU-DESSIN
Il existe une voie royale pour y parvenir : le jeu-dessin. Un rituel inventé par le pédiatre et psychanalyste anglais Donald Winnicott (1896-1971). Ni pur dessin, ni pur jeu, ni test psychologique, insiste Pierre-Henri Castel : un rituel précisément. Son vrai nom en anglais est le « squiggle ». On le pratique dans de nombreuses institutions. Il relève d’un savoir-faire transmis par la longue expérience des cures d’enfants. On dessine et on joue en même temps. On s’amuse à deux, ou à plusieurs. On s’inscrit dans des rituels transmis de génération en génération, depuis Anna Freud, Mélanie Klein et bien d’autres, mais surtout Donald Winnicott – un pragmatiste sans le savoir – que Castel remet en perspective, et qu’il inscrit dans un cycle historique.
* Pierre-Henri Castel, Mais pourquoi psychanalyser les enfants ?, éditions du Cerf, 453 p.
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