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dimanche 11 juillet 2021

A l’Assemblée nationale, de timides avancées pour la protection de l’enfance

Par  et   Publié le 9 juillet 2021

Le texte, voté en première lecture jeudi, contient plusieurs dispositions visant à améliorer le sort des quelque 330 000 jeunes suivis par l’Aide sociale à l’enfance.

Critiqué pour son manque d’ambition lors de sa présentation initiale, le projet de loi sur la protection de l’enfance a finalement réservé quelques surprises lors de son passage à l’Assemblée nationale.

Le texte, voté en première lecture jeudi 8 juillet, contient plusieurs dispositions visant à améliorer le sort des quelque 330 000 jeunes suivis par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) : l’encadrement de l’hébergement hôtelier, la modernisation du métier de famille d’accueil, ainsi que des mesures concernant les mineurs dits non accompagnés (MNA), ces jeunes étrangers qui arrivent seuls en France et sollicitent une prise en charge auprès des services départementaux, chefs de file de la protection de l’enfance.

Sur ce dernier volet des MNA, Adrien Taquet, le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, avait pris un engagement fort et réclamé de longue date par les associations du secteur : interdire le placement des jeunes dans des hôtels sociaux, des lieux où ils vivent souvent livrés à eux-mêmes, loin de leurs éducateurs, en proie à la violence, aux trafics, voire à la prostitution.

Grande précarité

En janvier 2020, après l’agression mortelle par un autre enfant d’un jeune homme confié à l’ASE des Hauts-de-Seine, l’ancienne ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn, ainsi que M. Taquet avaient commandé à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) un rapport pour objectiver les réalités de l’hébergement hôtelier. Bilan : dans un document daté de novembre 2020, l’IGAS a estimé qu’entre 7 500 et 10 500 jeunes, des MNA à 95 %, vivraient ainsi, dans des conditions de grande précarité.

Alors que les arrivées de jeunes étrangers ne cessent d’augmenter ces dernières années, les départements, mis sous tension, mobilisent parfois à grande échelle ce type d’hébergement, en raison de leur moindre coût.

Au deuxième jour de l’examen du texte, mercredi, les députés ont voté le principe de l’interdiction de l’hébergement en hôtel, tout en admettant deux exceptions : les cas d’urgence et de mise à l’abri. Deux amendements, soutenus par le gouvernement, ont limité cette possibilité d’hébergement à deux mois maximum et l’ont assortie d’un accompagnement minimal du jeune.

Plusieurs parlementaires ont dénoncé dans ces exceptions un recul du gouvernement. « Ces enfants sont toujours dans des situations d’urgence », a lancé la députée (Parti communiste, PCF) des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon. « Nous devons poser un principe d’interdiction (…) mais j’ai dit qu’il y aurait des exceptions. Sinon, qu’est-ce qu’il va se passer ? Il y aura des enfants à la rue, a rétorqué Adrien Taquet. On ne peut pas absorber 10 000 enfants en un an. »

Un fichier controversé

Une autre disposition du projet de loi, adoptée jeudi, a suscité une franche opposition d’une partie de l’Hémicycle et des associations mobilisées sur la question des MNA : l’obligation, pour les départements, de présenter les jeunes se déclarant mineurs en préfecture et de recourir au fichier dit « d’appui à l’évaluation de la minorité », jusqu’ici optionnel.

Ce fichier controversé, créé en 2019, répertorie les jeunes étrangers ayant fait une demande de prise en charge auprès d’un département : des empreintes digitales peuvent être relevées, une photographie jointe au dossier. Son objectif est de « dissuader le détournement du dispositif de protection de l’enfance par de faux mineurs et [de] lutter contre le nomadisme entre départements ». Autrement dit, éviter qu’un jeune n’ayant pas été reconnu mineur dans un département demande la protection dans un autre, les évaluations pouvant sensiblement varier d’une collectivité à l’autre.

« Cette mesure n’a rien à voir avec la protection de l’enfance mais relève uniquement du contrôle migratoire », a estimé la députée (Europe Ecologie-Les Verts, EELV) du Val-de-Marne Albane Gaillot. Dans un avis rendu le 25 juin sur ce projet de loi, la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’inquiétait de l’existence d’un « droit spécifique des MNA de plus en plus éloigné de la protection de l’enfance ».

Lors de l’examen du texte, la surprise est également venue d’un amendement gouvernemental (adopté) sur la question sensible des sortants de l’ASE, dont la prise en charge se termine à 18 ans. Depuis plusieurs années, les collectifs d’anciens enfants placés dénoncent la grande précarité dans laquelle se retrouvent bien souvent ces jeunes dits protégés à la majorité. Eux, dont les premières années ont été marquées par une grande instabilité, de la maltraitance ou de la violence, sont alors projetés sans aucun filet de sécurité dans l’existence, à moins qu’ils bénéficient d’une mesure transitoire de sortie de la protection de l’enfance jusqu’à leurs 21 ans, sous la forme d’un « contrat jeune majeur ».

Mais seuls quelques départements le proposent. « Nous avons une responsabilité collective face au destin de ces enfants que nous avons accompagnés pendant de nombreuses années et qui, pour certains, finissent à la rue », a affirmé Adrien Taquet, en rappelant une réalité : 23 % des personnes sans domicile fixe sont passées par l’ASE. Dès lors, « notre objectif est qu’il n’y ait plus aucun jeune qui sorte de l’Aide sociale à l’enfance sans solution », a défendu le secrétaire d’Etat.

« Garantie jeune »

Pour y parvenir, sans toutefois aller jusqu’à une interdiction pure et simple des « sorties sèches », comme l’appellent de leurs vœux les anciens enfants placés, deux solutions sont prévues dans l’amendement gouvernemental.

D’une part, les jeunes sortant de l’ASE se verront automatiquement proposer l’accès à un dispositif de droit commun, la « garantie jeune », qui s’adresse à ceux qui sont en situation de précarité et qui consiste en une aide financière de 497 euros maximum par mois et en un accompagnement professionnel par la mission locale. D’autre part, à ceux qui se trouvent sans soutien familial ni ressources financières, les départements devront proposer un contrat jeune majeur, qui garantit notamment un logement.

La mesure, saluée comme une avancée, mérite cependant d’être précisée, pointe dans un communiqué le collectif Cause majeur !, qui relève que « l’accompagnement des 18-21 ans en difficulté d’insertion sociale est octroyé à titre temporaire, laissant la porte ouverte à toutes les interprétations » ; il souligne également le flou sur la prise en charge financière par l’Etat de cette mesure. « Nous, ce qu’on demande, c’est une véritable prise en charge jusqu’à 21 ans pour tous les jeunes majeurs, appuie le militant Lyes Louffok. Or, malgré la communication gouvernementale, en l’état actuel les départements restent souverains. »

Autre motif de déception partagé par une partie des députés : les amendements prévoyant la présence obligatoire d’un avocat pour représenter les intérêts des enfants placés ont tous été rejetés. Dans la rédaction actuelle, c’est le juge des enfants qui pourra en faire la demande « pour l’enfant capable de discernement lorsque son intérêt l’exige ». C’est désormais au Sénat de poursuivre le travail parlementaire et d’enrichir à son tour le projet de loi.


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