Dans la plupart des services en grève, les figures de la contestation sont des infirmiers, des brancardiers ou des aides-soignants, souvent non syndiqués et peu habitués à prendre la parole dans un milieu médical très hiérarchisé.
Doullens (Somme), Verdun (Meuse), Bastia… Pas un seul jour ou presque sans qu’un nouveau service des urgences ne se mette en grève. Sur les 640 établissements du pays, plus d’un tiers sont désormais touchés par la mobilisation. « Le mouvement monte en puissance et est porté par des équipes paramédicales qui étaient jusque-là inaudibles », analyse Hugo Huon, 30 ans, infirmier à l’hôpital parisien de Lariboisière et membre du collectif Inter-Urgences.
C’est l’une des particularités de cette mobilisation. Dans la plupart des services concernés, les figures de la contestation sont des infirmiers, des brancardiers ou des aides-soignants, souvent non syndiqués et peu habitués à prendre la parole dans un milieu médical d’ordinaire très hiérarchisé. « C’est la révolte des petites mains de l’hôpital », résume une infirmière des urgences de Chambéry, où la grève dure depuis le 26 mai.
Pas de renfort estival
La réponse de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, n’a pas apaisé la colère dans ce service où l’activité a augmenté de 20 % en quatre ans. « Elle a mis longtemps à parler des paramédicaux, à prononcer le nom de nos métiers. Et encore, elle ne parle pas des ambulanciers », déplore Marie, qui préfère taire son vrai prénom pour éviter les sanctions de sa direction. « Longtemps, on a eu le sentiment que, sans la voix des médecins, on n’était rien. Mais cette fois, la colère était trop forte »,dit-elle.
Pendant le premier épisode de canicule, le service a enregistré 30 % de patients en plus, sans renfort estival. En juin, durant douze jours, l’équipe était en sous-effectif et a dû absorber jusqu’à 80 entrées en une seule nuit. En solidarité, l’équipe des assistants de régulation du SAMU de Savoie s’est aussi mise en grève. « Nos revendications pour plus d’humanité dans la chaîne de soins sont les mêmes », explique l’un d’eux. « Ce qu’on veut, ce n’est pas une prime, c’est des collègues. » Si les personnels paramédicaux sont soutenus par les médecins du service, ils ont préféré aller négocier sans eux. « C’est à nous de porter notre combat », explique Marie.
Aux urgences de Montauban, aucun médecin n’a rejoint la grève dans ce service qui accueille 40 000 patients par an. Les soignants ont pourtant chiffré leurs besoins : une aide-soignante supplémentaire de nuit, un infirmier à l’accueil pour le tri des malades, un agent de sécurité et un brancardier. « On ne peut plus prendre sur nous de faire des missions qui relèvent d’un autre métier », résume Agnès, infirmière depuis 1999.
« 500 heures supplémentaires en deux ans »
Pour la première fois, jeudi 8 août, elle et huit collègues en grève n’ont pas respecté le service minimum, au risque d’être réquisitionnées de force. « Jamais je n’aurais pensé en arriver là », dit Agnès, qui n’a pris qu’une semaine d’arrêt en vingt ans de carrière. « Mais il est temps de relever la tête, on le fait aussi pour l’avenir de ce si beau métier », dit-elle.
A Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), les urgences ont perdu six infirmiers en six mois. Quatre seulement ont été remplacés. En grève depuis le 18 juin, le personnel est « constamment rappelé sur ses jours de congés », au point que « certains cumulent plus de 500 heures supplémentaires en deux ans », dit Elodie (le prénom a été modifié à sa demande), en poste depuis près de dix ans.
Les seuls remplaçants trouvés sortent tout juste d’école, et sont « lancés seuls après seulement trois jours dans le service ». Des recrues jeunes, souvent en contrats précaires, qui craignent de se mobiliser par peur des conséquences pour leur carrière. « Beaucoup de directions parviennent à garder leur personnel silencieux avec ce chantage à l’emploi », analyse Agnès, de Montauban.
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