Alors que le poids des troubles mentaux va croissant, 45 % de la population mondiale vit pourtant, selon l’OMS, « dans des pays avec moins d’un psychiatre pour 100 000 habitants ! » Aussi cherche-t-on des solutions, face à cette pénurie. Soit des alternatives humaines, en confiant les patients à d’autres professionnels exerçant des métiers proches : médecins omnipraticiens, psychologues… Soit des alternatives technologiques, fleurant bon la science-fiction : avatars de médecins, logiciels dédiés… Ces méthodes encore (mais de moins en moins) futuristes commencent notamment à intéresser des établissements pour personnes âgées où l’essor des « robots parleurs » est censé répondre au manque chronique de personnel pour stimuler les résidents.
Encore désignés par le néologisme « chatbots »[1], (croisement de « chat » –au sens de dialogue sur Internet– et « robot »), ou par une autre appellation explicite (agents conversationnels, dialogueurs, assistants vocaux), ces outils innovants (ou iconoclastes, selon le point de vue !) ne se bornent d’ailleurs pas à jouer ce rôle de « vicaires » (au sens de suppléant) d’un personnel médical ou paramédical évanescent. Comme le montre le succès croissant de l’assistante vocale Alexa[2] d’Amazon ou celui du chatbot Siri[3]d’Apple, leur champ d’application concerne sans doute, à terme, tous les domaines de la communication et de l’interface homme/machine.
Bénéfice potentiel des agents conversationnels
À travers 8 études satisfaisant à des critères d’inclusion (portant sur le recours à un chatbot en milieu psychiatrique), The Canadian Journal of Psychiatry propose un éditorial et une revue systématique de la littérature médicale sur ce thème d’avant-garde. Ces travaux suggèrent « le potentiel bénéfique des agents conversationnels », susceptibles de « constituer un outil efficace et agréable » dans l’approche thérapeutique en psychiatrie. Toutefois, malgré ces données préliminaires encourageantes, « l’hétérogénéité des études examinées » incite les auteurs à souhaiter « plus de recherche normalisée » pour mieux évaluer l’efficacité clinique de ces robots parleurs.
Premier champion du monde des échecs battu par un programme informatique (Deep Blue d’IBM, en 1997), Gary Kasparov déclara : « le jeu d’échecs est vulnérable aux ordinateurs très puissants dotés d’algorithmes suffisants, de bases de données volumineuses et de processeurs à très grande vitesse. » Alors que les enjeux pour les patients sont « bien plus importants que pour une partie d’échecs », les auteurs posent la question : « la maladie mentale serait-elle aussi sensible à l’intervention de tels ordinateurs très puissants ? »
Dr Alain Cohen
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