Des pilules contraceptives de troisième génération. Photo Philippe Huguen. AFP
Pilule et stérilet sont des acquis, mais ils doivent être améliorés. Des féministes réclament une concertation nationale pour la contraception, le développement de solutions sans effets indésirables et la promotion de contraceptifs masculins.
Tribune. De plus en plus de femmes prennent conscience des effets indésirables des méthodes contraceptives et refusent de les subir. Face à l’urgence de cette nouvelle demande, nous en appelons à une prise de conscience collective pour que la situation évolue vers une contraception plus sereine, sans effets indésirables et partagée.
Trop heureuses de pouvoir faire l’amour sans peur au ventre, nos mères et grands-mères sont passées outre l’inconfort et les effets indésirables des hormones contraceptives et autres stérilets. Mais les choses changent. Grâce aux combats de nos aînées, nous considérons aujourd’hui la contraception comme un acquis mais qui nécessite des améliorations. Nous ne sommes pas contre la pilule ou le stérilet mais nous voulons que soient développées et promues des contraceptions efficaces, sans effets indésirables et qui peuvent être partagées avec le partenaire. En France, la consommation de pilules contraceptives a diminué de 20 % en quinze ans. De plus en plus de femmes arrêtent leur contraception parce qu’elles n’en peuvent plus de ses effets indésirables (baisse de libido, douleurs, dépressions, etc. ou risques plus graves, type embolie, cancer ou AVC). D’autres refusent tout simplement de subir une norme contraceptive qui banalise des hormones de synthèse ou oblige à médicaliser la contraception. Certaines se retrouvent alors en «errance contraceptive», voire sans contraception, faute d’en trouver une qui leur convienne. Elles affrontent de surcroît le déni et le manque de considération de leurs partenaires et du monde médical. Il est urgent de réagir.
Posez la question autour de vous : presque chaque femme a affronté durant sa vie les effets indésirables d’une pilule, d’un stérilet, patch ou anneau contraceptif. Si la plupart sont satisfaites de l’efficacité de leur méthode de contraception, beaucoup en déplorent les effets indésirables ou les risques pour leur santé. Cette charge est totalement invisibilisée. Pire encore, quand les femmes l’évoquent, elles sont souvent traitées d’«ingrates envers les combats de leurs aînées» ou de «chochottes».Il arrive même parfois que leurs souffrances soient niées, qualifiées d’imaginaires. Beaucoup aimeraient ne plus avoir à médicaliser leur contraception et ainsi éviter de s’exposer aux effets indésirables qui lui sont inhérents. Mais leur demande de solutions alternatives est rarement entendue. Celles qui refusent de s’exposer à des effets indésirables devraient-elles donc accepter des rapports à risques parce que nous n’avons «rien de mieux à leur proposer» ou parce que «ces messieurs» n’aiment pas l’inconfort du préservatif ? Tout cela illustre à quel point l’offre contraceptive actuelle n’est ni «suffisante» ni aussi «pléthorique» qu’on le dit, et combien les hommes sont totalement déresponsabilisés.
Pour que cela change, nous proposons d’organiser une grande concertation nationale pour la contraception. Le but : mobiliser femmes, hommes, chercheurs·es, médecins et société civile pour développer et promouvoir des contraceptions sans effets indésirables mais également des contraceptions masculines. Cette grande concertation pourrait aborder, entre autres, les points suivants.
Le financement d’études scientifiques indépendantes visant à développer des contraceptions féminines et masculines fiables avec pas ou peu d’effets indésirables mais aussi autonomes ou non médicalisées.
La responsabilisation des hommes vis-à-vis des grossesses et de la contraception. Le terme «contraception» ne doit plus systématiquement être associé aux femmes. Les préservatifs, par exemple, sont encore trop souvent associés au sexe sans lendemain alors qu’ils sont des contraceptions à part entière et ne servent pas seulement à protéger des IST.
La relation patient-médecin et l’information de l’utilisatrice. L’efficacité du contraceptif semble systématiquement passer avant le confort de l’utilisatrice, comme si celui-ci passait au second plan. Trop de femmes sont peu ou pas informées des effets indésirables (bénins ou graves) de leurs contraceptifs et les découvrent à l’usage. Trop de médecins prescrivent la pilule de manière systématique sans présenter suffisamment aux patientes les autres contraceptions et/ou en discréditant les contraceptions sans effets secondaires qui existent déjà (préservatifs, diaphragmes couplés ou non aux méthodes modernes d’observation du cycle) ou en balayant d’un revers de main les méthodes masculines (contraception thermique, injections hormonales ou anneau).
Les menaces qui pèsent sur le droit à l’avortement. En France, 65 % des IVG se produisent chez des femmes sous contraception. Aucune contraception n’est efficace à 100 %, il faut donc permettre à toutes les femmes d’accéder à l’IVG, sans jugement ni entrave. Or, aujourd’hui, malgré un taux d’IVG stable, des centres ferment, les délais s’allongent, et la clause de conscience spécifique à l’IVG aggrave les choses en donnant accès à ce métier à des médecins qui sont, en réalité, contre l’IVG et qui traînent parfois à renvoyer vers un confrère à la suite d’un refus.
La stigmatisation de la stérilisation féminine comme masculine. Pour certain·e·s, la ligature des trompes ou la vasectomie est le seul moyen d’échapper à leur «enfer contraceptif». La stérilisation est autorisée dès 18 ans, même pour les femmes sans enfants, et tout médecin qui la refuse doit adresser son patient à un autre médecin qui la pratique. Il faudrait allouer les budgets nécessaires afin que ce droit puisse être correctement appliqué. «La meilleure contraception est celle que l’on choisit», encore faut-il que les options soient satisfaisantes. Nous ne voulons plus que l’on nous impose des «solutions» mais que l’on nous donne les moyens de choisir. Une nouvelle bataille est en marche pour que les femmes se réapproprient pleinement leurs corps et leur sexualité. Alors, comme l’ont fait avant nous nos mères et nos grands-mères, joignons nos forces et osons rêver à ce monde pour qu’un jour il puisse devenir réalité.
Premiers signataires :Marion Larat (lanceuse d’alerte) et ses parents, Elizabeth Walton-Larat et André Larat, Florence Markarian (présidente de l’Association des victimes d’embolie pulmonaire et AVC liés à la contraception hormonale), Emilie Gillier (présidente de l’association Réseau d’entraide, soutien et informations sur la stérilisation tubaire - Resist), Ovidie (documentariste féministe), Noémie De Lattre (actrice et essayiste féministe), Lauren Bastide (journaliste féministe, créatrice du podcast «La Poudre»), Emma (dessinatrice), Elise Thiébaut (essayiste).
Cette tribune est accompagnée du hashtag #PayeTaContraception et reprise dans un livre-manifeste Marre de souffrir pour ma contraception (Les Liens qui libèrent).
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