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vendredi 5 avril 2019

Déremboursement : les pro-homéopathie avancent leurs billes

Par Eric Favereau — 

A.Baumann. Getty Images. EyeEm

La Haute Autorité de santé doit rendre en juin son avis définitif sur la prise en charge par l’assurance maladie des granulés. Leurs partisans lançaient jeudi une campagne qui invoque «la liberté de choix» des patients.

Ça y est, le petit granulé blanc est sorti tout en colère de sa boîte. Et le voilà parti pour la contre-attaque. Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) vient de fixer son calendrier pour apporter sa réponse à la question du déremboursement de l’homéopathie, les industriels de l’homéopathie, accompagnés des sociétés de médecins homéopathes et d’associations de patients, ont lancé jeudi une vaste campagne de communication grand public qui devrait s’étaler sur plusieurs semaines. «Ensemble, mobilisons-nous pour le maintien du remboursement de l’homéopathie» : voilà le slogan retenu, avec un site à l’appui.
Son argument central répond à l’air du temps. «Aujourd’hui, dit la campagne, trois Français sur quatre qui ont eu recours à l’homéopathie au moins une fois dans leur vie considèrent que les médicaments homéopathiques sont efficaces. Ils sont attachés à leur liberté de choix et souhaitent pouvoir continuer à avoir accès à cette thérapeutique sûre, prescrite et conseillée par des professionnels de santé.» En clair, c’est la liberté de chacun qui est en jeu.

«Collectivité»

Comme souvent dans ce genre de débat, l’affrontement convoque des sondages. Selon Stéphane Lehning, président des laboratoires mosellans Lehning, «l’homéopathie est aujourd’hui largement plébiscitée en France. En réponse au projet de déremboursement, il nous a semblé important de participer à cette initiative qui vise à donner la parole aux 77 % des Français qui utilisent des médicaments homéopathiques». Sans compter le manque à gagner pour l’assurance maladie. «En cas de déremboursement, il pourrait y avoir un transfert vers des médicaments plus coûteux pour la collectivité : le prix moyen des médicaments homéopathiques remboursables est de 2,70 euros, alors que le prix moyen des autres médicaments remboursables est de 9,90 euros».
Le camp d’en face ne chôme pas. Fin mars, les Académies de médecine et de pharmacie ont ainsi jugé que l’homéopathie ne devait pas continuer à être remboursée par l’assurance maladie, «tant que la démonstration d’un service médical rendu suffisant n’en aura pas été apportée». Et les académiciens se font menaçants : «Aucun diplôme universitaire d’homéopathie ne doit être délivré par les facultés de médecine ni par les facultés de pharmacie.»
Il faudra être un brin patient pour attendre le verdict : la HAS ne doit rendre son avis qu’en juin. Formellement, les travaux débutent ces jours-ci, en avril et en mai, avec l’audition des parties prenantes - professionnels de santé et patients -, puis il y aura examen du dossier,«préparé sur la base de la littérature scientifique et des données communiquées par les laboratoires», selon la HAS. Et après cela, adoption d’un premier avis. C’est alors, entre mai et juin, qu’une phase contradictoire aura lieu. Les trois laboratoires concernés (le leader Boiron, Lehning et Weleda) pourront «formuler leurs observations écrites et être entendus par la commission». L’objectif restant de rendre un avis définitif en juin. La tâche n’est pas simple : l’évaluation porte sur «1 200 médicaments homéopathiques», la HAS prévoyant de rendre «un avis commun à l’ensemble des médicaments avec des conclusions qui pourront être détaillées par maladie ou par symptôme». Ensuite ? Agnès Buzyn s’est engagée à suivre les recommandations de la Haute Autorité. «Je ne cherche ni à dérembourser ni à rembourser, a déclaré la ministre de la Santé lundi à l’AFP. Soit un médicament est utile et permet d’avoir un bénéfice clinique, soit il n’apporte rien, et dans ce cas-là il n’a pas de raison d’être financé par la collectivité.»

Secteur non négligeable

Rappelons que l’homéopathie pèse peu dans les dépenses de Sécurité sociale : 129,6 millions d’euros (total incluant environ 70 millions d’euros de préparations magistrales remboursées) sur un total de 19,9 milliards de médicaments remboursés en 2017. En revanche, pour l’économie française, l’homéopathie constitue un secteur non négligeable, avec 3 200 emplois directs et un leader mondial, Boiron, basé à Lyon.

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