| 20.12.2018
La « non-assistance à personne en danger » peut-elle s’appliquer au médecin de famille dans une affaire de maltraitance infantile ? C’est la question posée par une juge d’instruction de Limoges ayant en charge le dossier concernant la mort du petit Gabin (22 mois) dont les parents sont accusés d’avoir provoqué le décès en juin 2013 par manque de soins.
D’après la magistrate, l'état d’amaigrissement extrême et de dénutrition de l'enfant n’aurait pas dû échapper aux examens du généraliste. À ce stade de la procédure, le médecin se retrouve donc poursuivi à son tour et appelé à comparaître aux côtés des deux parents (33 et 28 ans au moment des faits), coaccusés pour le crime que constitue la privation de soins. La décision du renvoi en cour d’assises du médecin revient au magistrat instructeur, alors que le parquet s’en tenait à un renvoi en correctionnelle.
Si la privation de soins ayant entraîné la mort est un crime, la non-assistance à personne en danger est un délit. C'est la raison pour laquelle l’avocat du praticien a fait appel de cette décision de renvoi aux assises.
Une procédure très rare
Pour Me Yves Crespin, avocat parisien de « l’Enfant bleu », association qui se porte partie civile (aucun membre de la famille n’ayant souhaité le faire), il s’agit d’une première. « Il arrive que des médecins soient poursuivis pour homicide involontaire suite à des erreurs médicales, a-t-il expliqué récemment dans "la Montagne", mais je n’ai jamais vu dans ma carrière de cas semblable. »
Au conseil de l’Ordre de la Creuse, on reste dubitatif. « Nous n’avons pas eu connaissance de ce dossier à ce jour [18 décembre, NDLR] , révèle au "Quotidien" son président, le Dr Jean-Paul Lamiraud, généraliste à Guéret. Nous allons en demander copie pour examen et voir si nous pouvons intervenir à notre échelon. Ce qui est très rare dans cette affaire, c’est la forme – les assises pour un délit habituellement correctionnalisé – plus que le fond. La médecine est un métier à risques, les épisodes judiciaires en font partie, mais pour le moment nous attendons d’en savoir plus, car l’Ordre n’a été mis au courant que par la lecture des journaux locaux. »
Le généraliste concerné risquerait jusqu’à sept ans de prison si l’affaire va à son terme. Son avocat ne souhaite pas communiquer pour l'instant.
Signes flagrants
Selon l'hebdomadaire « l'Express », le dossier d’instruction soulignerait la responsabilité du généraliste qui avait reçu l’enfant deux mois avant sa mort et aurait dû, d’après la juge, orienter Gabin vers une équipe spécialisée en raison de signes flagrants de mauvais traitement. Un important retard pondéral, statural et moteur et d’autres signes apparents n’avaient pas échappé en amont aux travailleurs sociaux – dénuement matériel, défaut d’hygiène, etc.
Selon l'instruction, les parents étaient arrivés aux urgences aubussonnaises avec l’enfant en état de mort apparente, présentant une maigreur extrême, n’ayant été ni nourri ni hydraté depuis trois jours.
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