Diplômée de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), elle étudie le journalisme à Sciences-Po et la philosophie à l’université de Nanterre. Elle écrit pour Philonomist.
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EN BREF
Le Deep Work (en français, travail en profondeur) désigne toute activité intellectuelle nécessitant une concentration totale et donc l’exercice le plus poussé de nos capacités cognitives.
D’OÙ ÇA VIENT ?
Qu’ont en commun Carl Gustav Jung, pionnier de la psychanalyse, Mark Twain, auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages dont les célèbres Aventures de Tom Sawyer (1876), Bill Gates, cofondateur de Microsoft, et la plupart des chercheurs, intellectuels et inventeurs les plus productifs ? Ni une intelligence hors du commun, ni une créativité débordante, mais une méthode de travail bannissant tout accès à la communication au profit d’un silence et d’un isolement absolus, affirme Cal Newport, professeur d’informatique à l’université de Georgetown, aux États-Unis.
Pour l’enseignant et auteur du livre Deep Work. Retrouver la concentration dans un monde de distractions, paru en 2017 aux éditions Alisio, la productivité est affaire de concentration. Or cette dernière devient une denrée de plus en plus rare – du fait de la prolifération des moyens de communication qui accaparent l’attention et morcèlent le travail – et de plus en plus nécessaire – à cause de l’évolution du marché du travail. D’après l’économiste autrichien Fritz Machlup (1902-1983), père du concept d’« économie de la connaissance », les savoirs sont produits et échangés à un rythme de plus en plus rapide pour répondre aux besoins d’une économie dépendante de l’innovation technologique et de la circulation de l’information.
Dans cette logique, le travail en profondeur s’oppose à ce que Cal Newport nomme le travail superficiel, consistant, lui, en une suite de tâches logistiques à très faible valeur ajoutée, le plus souvent effectuées avec distraction. Le seul avantage de celui-ci est de donner l’illusion de la productivité et de la valeur du travail accompli.
UN EXEMPLE ?
Votre supérieur vous a confié, à vous et à votre binôme, la responsabilité d’une étude de marché, à lui rendre dans une semaine. Après vous être réparti les tâches, vous décidez de vous y atteler immédiatement et lisez un premier rapport fort intéressant. Mais, avant de poursuivre, vous consultez vos mails. Une heure plus tard, vous avez terminé et faites une pause, puis entamez la lecture d’un second rapport. Là, votre téléphone sonne. Sans même que vous vous en aperceviez, la matinée est passée, et non seulement vous n’avez rien produit de concret, mais vous vous sentez fatigué. Pendant ce temps, votre binôme, lui, a rédigé deux pages du rapport. Qu’a-t-il fait de différent ? Il s’est installé dans un espace silencieux du bureau, a mis son téléphone de côté et coupé la connexion de son ordinateur au WiFi.
ET ENSUITE ?
La recherche en psychologie cognitive semble mener à des conclusions similaires. Michael Posner, chercheur américain en psychologie cognitive et psychiatrie à l’université de l’Oregon (États-Unis) spécialisé dans l’étude du développement des mécanismes neuronaux chez l’enfant, nomme « contrôle exécutif » la concentration sur une suite de tâches. Ce processus comprend le fait de savoir résister aux distractions en ne s’attachant qu’aux stimuli pertinents. En vertu de ce que les psychologues cognitifs appellent le « clignement attentionnel », le cerveau traite avec un léger décalage temporel deux stimuli lui parvenant simultanément. Alors que le premier stimulus sera reçu immédiatement et avec acuité, le second le sera dans un deuxième temps et de façon moins performante. D’où l’importance de renforcer le « contrôle exécutif », ce qui peut être fait, selon Posner, par l’apprentissage d’un instrument de musique ou par la pratique de la méditation.
ET CONCRÈTEMENT ?
Osez vous ménager des plages de temps sans interruptions ni stimuli extérieurs. Et acceptez que vos collaborateurs fassent de même.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Cal Newport, Deep work. Retrouver la concentration dans un monde de distractions (Alisio, 2017).
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