The Indian Journal of Psychiatry propose une étude sur un thème rarement évoqué : quelle perception (empathie, répulsion...) ont les soignants à l’égard de leurs patients, selon la nature (somatique ou psychiatrique) des troubles constatés ? Réalisée à Tumakuru (dans l’état du Karnataka), cette recherche porte en l’occurrence sur un échantillon de 130 internes âgés en moyenne de 23 ans (58,5 % de femmes et 41,5 % d’hommes), et résidant pour la plupart (117) en zone urbaine. L’attitude de ces jeunes médecins a été appréciée au moyen d’une échelle d’évaluation en 11 items, la Medical Condition Regard Scale (MCRS)[1], conçue pour « mesurer les réactions des praticiens aux diagnostics » portés. Choisies pour leur caractère chronique, les pathologies physiques comparées aux troubles mentaux sont le diabète (sucré) et le SIDA, retenu aussi parce que c’est « l’une des maladies (somatiques) généralement les plus stigmatisées. » Ce risque de stigmatisation rapproche le SIDA des problématiques psychiatriques pour lesquelles « l’attitude négative » n’est pas seulement cantonnée au grand public, déplorent les auteurs, mais se révèle aussi « très commune parmi les médecins », et cela malgré les « avancées remarquables » déjà réalisées dans la compréhension des mécanismes neurobiologiques de ces affections psychiatriques et dans leur traitement.
Parmi les raisons pouvant expliquer cette « stigmatisation persistante » des malades mentaux, les auteurs retiennent notamment « le manque relatif d’objectivité », par comparaison aux pathologies somatiques comme le diabète où les taux de glycémie sont aisément appréciables (à l’inverse des troubles psychiatriques où de tels critères objectifs font défaut). Ils dénoncent aussi certaines « conceptions erronées », encore trop répandues parmi ces jeunes soignants, comme une conviction fallacieuse sur la physiopathologie (« ça se passe dans sa tête ! ») ou une généralisation abusive sur les malades mentaux (« ils sont dangereux ! »).
Cette étude montre que ces internes exerçant en Inde restent toutefois à l’écart de tels clichés sur les malades mentaux, puisqu’on ne remarque « aucune différence significative entre les scores globaux à l’échelle MCRS » entre la perception du diabète et celle portée sur les affections psychiatriques. L’attitude médicale envers les malades mentaux se révèle même « plus favorable qu’à l’égard des malades atteints du SIDA. » D’autres études devraient désormais porter « sur les divers aspects de la stigmatisation et sur l’incidence de la formation médicale initiale » en la matière.
Dr Alain Cohen
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