| 17.09.2018
La semaine dernière, le président du syndicat national des gynécologues obstétriciens (Syngof), le Dr Bertrand de Rochambeau, déclenchait la polémique en qualifiant d’ « homicide » les IVG, lors d’une interview télévisée. Il relançait du même coup la polémique autour du maintien de la clause de conscience spécifique à l’IVG. Le Dr Laurence Danjou, gynécologue et coprésidente de l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (Ancic) revient sur la polémique, les freins à l’accès à l’avortement en France et le rôle des médecins généralistes.
Quelle est votre réaction aux propos du Dr de Rochambeau ?
Le Dr de Rochambeau est censé représenter une partie des gynécologues obstétriciens, et dans ce cadre-là sa parole est tout à fait condamnable. Parler d’homicide c’est très grave pour ces femmes qui sont en souffrance. Elles peuvent vraiment être traumatisées qu’on les considère comme des meurtrières. Il laisse également entendre qu’une partie de ses collègues sont des meurtriers. Ça me paraîtrait donc logique que mes collègues demandent sa démission, c’est d’ailleurs ce que l’Ancic a réclamé dans un communiqué.
Cette polémique relance aussi les débats autour du maintien de la clause de conscience. Selon vous faut-il la supprimer ?
Il n’y a pas lieu de la supprimer. On ne peut pas obliger tout le monde à faire des interruptions de grossesse. Forcer un médecin à faire des IVG, c’est créer une nouvelle maltraitance pour les femmes parce que s’il est contre, il ne va pas bien les recevoir et les accompagner. La clause de conscience existe en médecine pour tous les actes. Ce qui est plus compliqué c’est que si tous les médecins la font jouer et qu’il n’y a plus d’IVG dans un service, ça devient vraiment problématique. Un chef de service peut faire valoir sa clause de conscience individuelle mais il faut malgré tout qu’il organise la prise en charge des IVG. Ce qui s’est passé à Bailleul, peut arriver ailleurs. Nous savons par exemple qu’en Italie, beaucoup de médecins font valoir la clause de conscience et c’est pour les femmes très compliqué d’accéder à l’IVG.
En tant que gynécologue, je pense aussi que, peut-être, on ne devrait pas s’engager dans ces études-là, si l’on sait qu’on ne veut pas faire des IVG. Cela représente tout de même un tiers des patientes que nous allons rencontrer. Je trouve cela étrange de s’occuper d’une partie du parcours de vie des femmes mais refuser celui-ci, un parcours extrêmement courant et que l’on ne peut pas nier.
Est-ce qu’aujourd’hui il y a une recrudescence du nombre de médecins qui font jouer la clause de conscience ?
Je ne suis pas convaincue que chez les jeunes médecins, il y ait plus de clauses de conscience. Par contre il y a moins de professionnels et ils sont assez débordés. Et comme, il y a toujours eu, malgré tout, un tabou par rapport à l’IVG, des médecins surchargés vont privilégier d’autres activités. La parole du Dr de Rochambeau est aussi dangereuse dans ce sens-là. Elle ouvre une nouvelle légitimité pour les médecins qui n’ont pas envie, non pas parce qu’ils sont forcément contre mais parce que cela leur casse les pieds, et qui vont faire valoir leur clause de conscience.
Aujourd’hui, quels sont les freins principaux à l’accès à l’IVG pour les femmes en France ?
Ils sont liés aux restrictions budgétaires. Le privé s’est très nettement désengagé car ce n’est pas une activité rentable. Dans le service public, il y a moins de personnel et les structures d’IVG sont toujours assez peu pourvues en effectif. Dès qu’il y a quelqu’un qui n’est pas remplacé, cela met tout de suite en péril la structure. Ce n’est pas la priorité, on va organiser le reste de l’activité gynécologique et après on voit.
Est-ce que l’implication des généralistes a évolué ?
La prise en charge des IVG par les généralistes a toujours existé et j’ai l’impression qu’elle s’accroît actuellement. Peut-être parce qu’ils sont plus ouverts ou que le fait de travailler en équipe les intéresse. Les internes en médecine générale aujourd’hui passent un petit temps de leur parcours dans des services de gynécologie, ils sont amenés à voir plus de femmes dans ce cadre qu’avant. Dans leur parcours ils sont tenus de faire de la pédiatrie et de la gynécologie. Quand on leur donne les moyens de bien accueillir les femmes et de prendre le temps avec elle, c’est un moment de la vie des femmes qui est aussi intéressant que les autres, et ce sont les mêmes femmes qui vont accoucher, venir pour la contraception, il est donc logique de les prendre en charge aussi à ce moment-là.
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