Non, le sexe qui fait mal n’est pas meilleur : il fait juste mal. Réhabilitons une sexualité sereine et pas barbante, nous encourage Maïa Mazaurette, chroniqueuse de La Matinale du « Monde ».
LE MONDE | | Par Maïa Mazaurette
C’est un cliché mille fois répété, mille fois entendu : le sexe sauvage est plus excitant, plus agréable. Il faudrait pimenter les rapports. Franchement, c’est tellement meilleur quand ça fait un peu mal.
Cette association entre sexe et violence traverse notre société : des mythes fondateurs (le rapt des femmes) aux pages des magazines (« 39 898 manières de fouetter sa libido »), des élans de certains psychanalystes (« toute sexualité sert inconsciemment à anéantir son partenaire ») à la science (« les hommes sont des animaux, il faut les laisser exprimer leur gorille intérieur »), en passant par le vocabulaire de la pornographie ou celui des sex-toys (l’archi-célèbre marque FleshLight propose en ce moment une vaginette appelée « cible d’entraînement », ça ne s’invente pas).
Cette violence a contaminé notre langage : déflagration des orgasmes, matraque, braquemart, tirer un coup, fourrer, décharger, défoncer… Ce qui pose évidemment la question de l’influence de ces expressions sur notre comportement.
Quand nous vantons les délices du « sexe sauvage », sommes-nous réellement enchantés par la douleur, le rapport expéditif, et/ou le manque d’attention ? Ne serait-ce pas plutôt une manière de poétiser l’interaction avec un partenaire qui fait mal – parce qu’il paraît trop indélicat de refréner ses ardeurs ? Cette érotisation de la médiocrité (au mieux) et de la souffrance (au pire) ne relève-t-elle pas d’une forme de lâcheté, d’impensé, voire de violence symbolique ?
Complaisance
Aimer la douleur, pourquoi pas. Mais attention au langage qui prédispose, aux clichés inlassablement répétés, au point de nous priver d’une prise en compte objective de nos sensations (il existe redoutablement peu d’autres domaines où nous prétendons a-do-rer être irrités ou blessés : personne ne vante les délices de la nourriture avariée ou des bousculades du métro en heure de pointe).
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