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vendredi 17 août 2018

Battue, une femme reçoit un avis d'expulsion à cause de ses cris

Par Chloé Pilorget-Rezzouk — 
Photo d'illustration à Paris, en octobre 2014.
Photo d'illustration à Paris, en octobre 2014. Photo Christophe Maout pour Libération

A La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), Elodie et ses enfants font l’objet d’une procédure d’expulsion de leur logement social en raison de «nuisances sonores» signalées par les voisins. Face à la mobilisation, le bailleur 3F a finalement réagi, promettant de les reloger.

C’est une voix sereine, quoique un peu timide, à l’autre bout du fil. «La mobilisation a servi, ça a fait bouger les choses», dit Elodie, 37 ans. Cette mère de deux enfants, battue par son conjoint, fait l’objet d’une procédure d’expulsion de son logement social à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), en raison de «nuisances sonores». Nuisances qui n’étaient autres que ses cris.

Une décision prononcée par le tribunal d’instance de Colombes, le 29 juin, à la suite d’une démarche de son bailleur, sollicité par des voisins excédés. Très vite, la presse et les réseaux sociaux se sont emparés de l’histoire d’Elodie. Sur Twitter, nombre d’internautes ont interpellé lundi la société immobilière 3F :

Grâce à ces multiples soutiens (et à ce «bad buzz» pour le bailleur social), la mère de famille – qui avait formulé en vain une demande de relogement depuis le printemps – a finalement obtenu des avancées : «Les 3F m’ont appelée [lundi]. J’ai rendez-vous jeudi à 15 heures pour visiter un logement, a-t-elle confié à Libération, soulagée. Quand j’ai reçu le jugement, j’étais perdue. Je ne pensais pas qu’on pouvait faire ça : me mettre dehors avec mes enfants à cause du bruit !»

«Une décision hallucinante»

Le 29 juin, Elodie s’était vu notifier la résiliation de son bail (au nom du couple) et l’expulsion de son logement. Dans le jugement civil que Libération a pu consulter, on peut lire qu’il est notamment reproché des «cris tous les jours» et des «hurlements»de femme et d’enfants, des «disputes» récurrentes… Des «nuisances sonores» qui ont visiblement importuné les voisins de la mère de famille, plutôt que de les alerter. Le juge d’instance écrit aussi que «la plainte déposée pour violences conjugales par Madame X ne fait que corroborer les troubles évoqués» ou encore que«Monsieur X est parti des lieux loués, ce qui va pacifier l’occupation du logement».
«C’est une décision hallucinante, sidérante. Le juge prend acte des faits de violences conjugales. On n’est pas dans du "on-dit", on est dans quelque chose de réel»,commente MMigueline Rosset, avocate d’Elodie, pourtant habituée depuis des années à traiter du droit de la famille. «Il aurait pu agir avec humanité et renvoyer l’affaire, par exemple, le temps de vérifier que monsieur était bien parti du logement», poursuit le conseil, qui note en passant que le magistrat en question est une femme. Lors de l’audience, en mai, le couple en séparation avait déclaré que le père des enfants ne résidait désormais plus au domicile. Mais «il importe peu que soit évoqué le départ de Monsieur X», estime encore le juge d’instance dans sa décision.

«Personne n’est venu»

Le couple s’était installé en 2016 dans cette résidence HLM de La Garenne-Colombes. Elodie raconte avoir été violemment frappée par son compagnon, qui lui avait confisqué son téléphone portable en mars.
«Il m’a donné des coups sur le visage, m’a maintenu si fort les bras que j’en ai eu des hématomes, aussi derrière les cuisses», se souvient-elle. Ce soir-là, il plus de 4 heures du matin. Leurs filles de 4 et 6 ans dorment. «Avant, c’était des insultes. Il me parlait mal, me criait dessus. Il me rabaissait. Il me disait que j’étais une folle, une feignante, que je ne savais pas m’occuper de mes enfants. C’était tout le temps,décrit-elle. Il m’a même menacée de mort.» 
Cette femme battue dit aussi l’indifférence des riverains : «J’ai appelé au secours, mais personne n’est venu.» Des voisins qui, pour certains, n’ont pas hésité à faire remonter leur mécontentement au bailleur de l’immeuble, évoquant pêle-mêle des bruits d’enfants courant sur le sol, des hurlements, des insultes ou des jets d’objets.
Le 30 mars, la trentenaire dépose plainte au commissariat. Les violences sont constatées, la mère de famille écope de deux jours d’incapacité temporaire de travail (ITT). Début mai, son conjoint est cette fois placé en garde à vue après de nouvelles violences. A bout, décidée à trouver une solution, Elodie écrit au bailleur 3F en demandant à être relogée, «ne pouvant plus vivre dans la peur et la violence» avec ses enfants. En vain. La procédure est lancée, et selon le jugement rendu, la mère et ses enfants devraient quitter leur appartement d’ici au 12 septembre.

«Une situation prioritaire»

Me Rosset, qui a fait appel de la décision du tribunal d’instance et a saisi le juge d’exécution, s’est réjoui sur son compte Twitter du fait qu’Elodie allait être enfin relogée avec ses enfants. Même si, prudente, elle attend «de voir le bail».Contactée par Libération, la société immobilière, à l’origine de la procédure d’expulsion, assure désormais : «Cette locataire est toujours dans son logement. Elle n’est pas à la rue, et ne le sera pas le 12 septembre. Sa situation est prioritaire. Nous travaillons avec elle à une solution de relogement.»

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