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samedi 12 mai 2018

Grève dans les hôpitaux en Algérie : sans salaire depuis quatre mois, un médecin témoigne

Marie Foult
| 11.05.2018



algerie medecins en colere
Crédit Photo : AFP

En grève générale dans les hôpitaux depuis près de sept mois, les médecins algériens résidents (c'est-à-dire en cursus de spécialisation après un concours, à l'instar des internes en France), ont récemment annoncé le durcissement de leur mouvement en cessant d'assurer les gardes de nuit, week-ends et jours fériés inclus dans l'ensemble des établissements du pays.
Les médecins résidents sont environ 9 000 en Algérie. Ils réclament depuis plusieurs mois la fin de l'obligation de service civil, qui les contraint une fois diplômés à exercer entre un et quatre ans dans des zones parfois reculées, en plus du service militaire d'un an obligatoire pour tous les hommes en Algérie. Début avril, ils ont rejeté des propositions du gouvernement, notamment la déduction de la durée du service militaire de celle du service civil, une prime en fonction de la zone d'affectation ou encore la fourniture d'un logement individuel dans les zones éloignées.

Pour le Dr Saddek Hamlaoui, médecin résident de 5e année en chirurgie orthopédique et traumatologie au CHU de Bab El Oued, à Alger, l'arrêt des gardes de nuit est la preuve de la « détermination » des médecins résidents. « La tutelle ne cesse de mettre en avant notre "inutilité" dans les centres hospitalo-universitaires, témoigne par écrit le médecin au « Quotidien ». L'absence de réponses concrètes à nos revendications et le gel de salaire total dans certains hôpitaux nous ont conduits à durcir le mouvement, mais nous ne voulions pas en arriver là », témoigne le futur chirurgien, membre du collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA).
450 euros par mois
Selon le médecin, le statut des résidents les désigne « en formation », sans statut de fonctionnaire. « Nous ne sommes pas tenus légalement par l'obligation des gardes », assure le Dr Hamlaoui, qui n'a pas touché de salaire depuis quatre mois.
« Nous essayons de maintenir l'équilibre précaire d'un système de santé moribond. Les conditions de travail sont, dans bon nombre de structures, extrêmement défaillantes. La grève des résidents a prouvé que les CHU, à la pointe du système de santé, sont en manque de médecins, sans parler des plateaux techniques pour certains d'entre eux. Alors qu'en est-il des petites structures à l'intérieur du pays ? [où le service civil s'effectue] », s'indigne-t-il.
Selon le CAMRA,les médecins résidents travaillent de 8 heures à 16 heures, pour prendre en charge entre 8 et 30 patients, « avec des variabilités selon le service et la spécialité, les heures supplémentaires n'étant pas comptabilisées ». « Il peut y avoir une heure de pause à midi mais il n'y a pas de services de restauration offerts à l'hôpital », indique-t-il.
Les gardes, elles, s'effectuent entre 16 heures et 8 heures le lendemain, à un rythme d'une fois tous les quatre jours. « Dans la plupart des services, la journée de récupération n'est pas appliquée »,estime le CAMRA. Le collectif pointe aussi des problèmes de responsabilité pénale pour les résidents durant ces temps de garde, un médecin titulaire n'étant pas toujours présent.
À ces conditions de travail s'ajoutent des salaires relativement bas. Actuellement, les résidents sont rémunérés, selon le CAMRA, entre 50 000 et 63 000 dinars algériens par mois, soit entre 363 et 458 euros (le salaire moyen est de 240 euros environ). Pour une garde, ils sont payés entre 2 800 et 3 400 dinars (soit 20 à 24 euros).
Bricolage à bas coût
Saddek Hamlaoui voit cette obligation comme une discrimination. « Seuls les médecins spécialistes sont tenus de faire ce service civil, les généralistes en sont exemptés, et aucune obligation ne pèse sur les structures pour améliorer les conditions de travail, d’accueil des médecins ou les incitations. C'est un système de bricolage à bas coût, où on oblige le médecin à aller, plutôt que de l'attirer. Après plus de 13 ans d'études, nous sommes le seul corps professionnel sous cette obligation ! »
« Ce service civil, malgré ses failles reconnues par l'ensemble de la corporation médicale, est pour le ministère le seul système apte à maintenir une soi-disant couverture sanitaire », estime enfin le Dr Saddek Hamlaoui. Selon le CAMRA, les résidents poursuivront leur grève jusqu'à « l'abrogation de l'obligation du service civil et l'exemption du service national après 30 ans », comme pour les autres Algériens.

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