| 07.05.2018
Des équipes françaises du réseau de la Fondation FondaMental ont identifié la protéine Elk-1, un facteur de transcription, comme marqueur de pronostic de la dépression et cible d’un nouveau traitement impliquant une approche originale par rapport aux antidépresseurs classiques. Le Dr Eleni Tzavara, directeur de recherche INSERM, membre du réseau FondaMental, et l’une des auteurs de l’article paru dans « Nature Medicine », présente au « Quotidien » ces découvertes.
Environ un tiers des patients dépressifs sont résistants aux traitements standards. « Il existe plusieurs raisons pouvant expliquer cette résistance aux traitements », indique le Dr Tzavara au « Quotidien ».
« Mais pour qu’il y en ait autant, nous avons supposé que peut-être les antidépresseurs classiques ne convenaient pas pour tous les patients, du fait de leur mécanisme d’action qui implique d’intervenir sur les neurotransmetteurs, au niveau des synapses, donc à la surface des cellules. L’originalité de notre travail est de ne pas nous intéresser seulement au signal extérieur, mais aussi à une possible dérégulation intracellulaire. Les antidépresseurs mettent toujours du temps à agir, donc nous savions que quelque chose devait se passer en aval des synapses. »
La place des cascades de signalisation intracellulaire est depuis longtemps l’objet de recherche dans les maladies psychiatriques et les effets des différents médicaments. Cette étude, menée par des équipes de recherche clinique et fondamentale de l’Institut de Biologie Paris-Seine (IBPS) (CNRS-Inserm-Sorbonne Université), de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, de l’Institut de Neurosciences de la Timone (Université Aix-Marseille/CNRS), de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas (Université McGill) et de l’Université Paris-Descartes, a utilisé trois approches différentes : des études cliniques, l’analyse de tissus cérébraux post-mortem, et des études sur modèles animaux.
Cibler Elk-1 dans la voie de signalisation intracellulaire
Les études cliniques ont ainsi montré la présence d’Elk-1 dans le sang de patients dépressifs, et qu’un taux d’Elk-1 élevé était associé à un mauvais pronostic.
« Dans le sang, les variations de Elk-1 sont corrélées à la réponse clinique, ce qui permet de définir Elk-1 comme un biomarqueur sanguin facile à suivre au cours du temps. Il pourrait être un bon indicateur du pronostic de la dépression et aider à la décision thérapeutique tel que le changement de traitement anticipé pour éviter l’échec thérapeutique », précise le Dr Raoul Belzeaux, (AP-HM, Institut de Neurosciences de la Timone (Aix-Marseille Université/CNRS), Fondation FondaMental), et coauteur de l’article.
L’analyse post-mortem de tissus cérébraux (comparaison des échantillons de 30 patients décédés suite à un suicide pendant une dépression, à ceux de 22 contrôles sains) provenant du gyrus denté (au niveau de l’hippocampe gauche) a confirmé le rôle clé joué par des taux élevé d’Elk-1 dans la dépression résistante.
Enfin, des études menées sur modèle murin ont validé le lien de cause à effet entre Elk-1 et la dépression, et permis de réaliser des tests d’efficacité d’une molécule (brevetée depuis) inhibant Elk-1 et permettant d’obtenir des effets antidépresseurs.
« Nous avons identifié Elk-1 comme une partie spécifique de la voie de signalisation ERK, et qui peut être ciblée indépendamment de celle-ci », indiquent les auteurs dans leur article. La molécule utilisée est « un peptide qui bloque la phosphorylation d’Elk-1 par ERK, et l’interaction protéine/protéine, e façon assez spécifique », précise le Dr Tzavara. « L’identification de ce nouveau mécanisme permettrait d’agir sur la dépression résistante et d’obtenir un effet plus immédiat que les antidépresseurs actuels. »
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