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vendredi 9 mars 2018

Vous avez-dit « dépression atypique » ?


La « dépression atypique », s’agit-il seulement d’une dépression classique avec des symptômes inhabituels ? C’est la question posée par une équipe de plusieurs psychiatres exerçant en Australie et en Nouvelle-Zélande. 


Cette expression « dépression atypique » aurait été employée pour la première fois dans la littérature médicale en 1959, pour évoquer des patients déprimés « qui ne répondaient pas aux antidépresseurs tricycliques mais répondaient à un inhibiteur des monoamines oxydases (IMAO). » Plus tard, cette problématique a été décrite en termes de « réactivité thymique » (mood reactivity), perte de poids, inversion thymique durant la journée et « profonde perte d’énergie », un tableau contrastant avec la symptomatologie de la dépression typique, marquée surtout par « une perte d’appétit, une perte de poids et du sommeil et une aggravation matinale » pouvant s’apparenter à une « dépression mélancolique. »
 Une distinction plus ou moins pertinente

Mais malgré des années de recherches, la controverse persiste sur la possibilité d’assimiler ou non la dépression atypique à un « sous-type biologique distinct » de la dépression commune, expliquent les auteurs qui suggèrent notamment plusieurs interrogations susceptibles de « guider les futures recherches » sur ce thème :



– Les critères du DSM-5 doivent-ils être acceptés dans leur état actuel, ou faut-il remplacer le primat donné à la « réactivité thymique » par la notion de « sensibilité interpersonnelle » qui pourrait être plus pertinente pour décrire des vulnérabilités dans la personnalité des patients ?


– Dans la dépression atypique, doit-on considérer la tendance à l’hypersomnie et à la boulimie (chez certaines patientes) comme un « reflet d’un processus homéostatique pour contrer le dérèglement des émotions » ?


– Quel sens donner à la « perte d’énergie extrême », souvent décrite dans la dépression atypique comme une léthargie massive, évoquant une immobilisation par une « chape de plomb » (leaden paralysis), mais que de nombreux praticiens « auraient du mal à définir cliniquement et à différencier » d’une perte de dynamisme commune dans la plupart des états dépressifs ? Vu son « intérêt clinique limité », les auteurs proposent donc de ne plus retenir ce critère de « léthargie massive. »


– Enfin, la reconnaissance officielle d’un tableau de « dépression atypique » apporte-t-elle une pertinence réelle pour sa prise en charge thérapeutique ? En particulier, dans le cas où les IMAO ne se montrent « pas plus efficaces que d’autres antidépresseurs ou que des psychothérapies cognitivo-comportementalistes, peut-on justifier leur emploi, malgré les risques encourus ? »    

Dr Alain Cohen


RÉFÉRENCE
Lyndon B et coll.: Is atypical depression simply a typical depression with unusual symptoms ? Aust N Z J Psychiatry, 2017; 51: 868–871.

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