La psychothérapie ne manque pas de se questionner à plusieurs niveaux : comment le passé influence le présent ? Quel est l’impact des événements survenant dans la petite enfance ? Quelles sont les motivations inconscientes des individus ? Comment construire une alliance thérapeutique efficace ? Comment travailler avec le transfert et le contre-transfert ? Quelle est l’importance de la régulation affective ?
Toutes ces questions abordées dans plusieurs articles du British Journal of Psychiatrysont le cœur du débat actuel de la psychothérapie psychodynamique, explique Cesar Alfonso (Columbia, États-Unis). Pour mieux appréhender ces questions, il s’est référé à l’étude A.C.E. (Adverse Childhood Experience) qui a analysé l’impact d’expériences négatives durant l’enfance (émotionnelles, physiques, sexuelles, abus de substance, violence domestique) sur l’état de santé à l’âge adulte. Il existait bien entendu dans cette cohorte une corrélation entre ces expériences négatives et la santé mentale, mais également avec plusieurs maladies somatiques, dont l’obésité et les troubles du sommeil.
Des effets de la maltraitance sur la santé mentale, mais pas seulement
Par ailleurs, il est frappant de constater que sur les 17 337 enfants suivis, il est possible de mettre en évidence une relation dose-réponse. Cette accumulation du stress se traduit aussi par une perte d’adhérence thérapeutique accompagnée souvent d’une propension à subir les effets nocebos des thérapeutiques et par une morbidité importante marquée par une augmentation de l’immunosuppression (surtout au début), de l’athérosclérose, de l’hypertension et de l’activation des maladies à prédisposition génétique. Il va de soi à lire ces conclusions que la mortalité de ces patients est également augmentée.
Dans le contexte décrit plus haut, on peut comprendre que la psychanalyse ait pour objectif principal de permettre au patient de comprendre ou de mieux percevoir ses conflits et traumatismes inconscients, explique le Pr Michel Botbol (Brest), et ce, afin de récupérer la richesse de son fonctionnement psychologique. Transfert et contre-transfert sont deux moments importants dans cette optique afin d’améliorer la perception que le patient a eue de la vérité plutôt que de ‘connaître’ cette vérité.
L’empathie : au carrefour des sciences et de la clinique
Ce concept implique cependant la capacité du patient de s’inscrire dans la dynamique du transfert. Il implique également la capacité d’adhérer, notamment sur le plan financier.
L’autre nouveau paradigme est celui de la médecine orientée sur le patient, un paradigme qui demande de considérer le patient dans sa totalité (et donc de ne pas se focaliser sur l’événement), de considérer le processus diagnostique et les choix thérapeutiques de manière conjointe en incluant patient, médecin, soignants, proches, et de tenir compte de la subjectivité du patient.
Définie comme la capacité de se mettre à la place de l’autre, l’empathie est devenue l’un des paradigmes du débat sur la place de l’esprit dans son rapport au corps. Les perceptions du patient, son vécu et son expérience de la maladie sont des composants essentiels de son état de santé et ceux-ci ne peuvent être pris en compte qu’à partir des données narratives du patient, au-delà de ce qui relève de la description objective de son trouble. À partir de ces données narratives, le professionnel doit pouvoir accéder aux représentations et sentiments conscients et inconscients du patient. Ceci n’est possible que si ce professionnel ne se limite pas à ce qu’il observe car si l’écoute est cruciale, elle n’est pas suffisante lorsque le patient n’a pas facilement accès à ses propres sentiments ou ne peut les exprimer directement.
« En résumé, poursuit Michel Botbol, l’empathie permet au professionnel d’accéder à la subjectivité du patient, si et seulement si, le professionnel donne également crédit et écoute au récit interne qu’il construit plus ou moins spontanément pour rendre compte de ses sentiments empathiques au contact du patient. »
La psychanalyse ne sera profitable que si :
- le patient exerce une influence sur les soignants ;
- et si les soignants ont un accès assez libre à leurs affects et aux métaphores qu’ils suscitent en eux.
Dr Dominique-Jean Bouilliez
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire