PMA, fin de vie, médecine prédictive… Du 18 janvier au 7 juillet, de nombreux thèmes seront débattus au niveau de chaque région afin de préparer une révision de la loi
Ce sera « un vrai débat philosophique dans la société », dont Emmanuel Macron s’est déclaré le « garant » lors de ses vœux aux autorités religieuses, jeudi 4 janvier. La révision de la loi de bioéthique commencera officiellement le 18 janvier avec le lancement des Etats généraux de la bioéthique, qui dureront jusqu’au 7 juillet.
Cependant, à quinze jours de l’échéance, l’inquiétude est palpable parmi les chercheurs et les militants, qui s’interrogent sur leur place dans le processus, son déroulement et son débouché. « Personne ne comprend comment ça va se passer », résume Vincent Brès, président de l’association PMAnonyme.
Si les interrogations sont nombreuses, c’est parce que l’attente est forte. Quelles seront les conditions de la naissance et de la mort demain ? Quelles limites fixer à l’intervention médicale et technique sur le vivant, alors que les progrès de la science sont fulgurants ? Ces questions fondamentales mobilisent religieux, chercheurs, penseurs, militants, mais intéressent potentiellement chaque citoyen.
Mercredi 3 janvier, La Croix consacrait quatre pages à un sondage IFOP montrant que 60 % des personnes interrogées étaient favorables à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, 64 % au recours aux mères porteuses, 89 % à une légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté, 80 % à la modification génétique des embryons pour guérir les maladies les plus graves – des positions dont le journal s’inquiète.
« Conférences de citoyens »
L’objectif des Etats généraux, rendus obligatoires par la loi de 2011, est d’ouvrir le débat le plus largement possible. « Il faut populariser ces questions, qui ne doivent pas être réservées aux politiques et aux experts », affirme Jean Leonetti, ancien rapporteur (Les Républicains) de la loi de bioéthique de 2011, qui est leur inspirateur.
La loi prévoit le recours à « des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité ». Lors des premiers Etats généraux de la bioéthique, en 2009, cinq panels citoyens avaient rendu des avis après avoir été formés par des experts.
L’édition 2018 sera différente. Les espaces éthiques régionaux, déclinaisons locales du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) créées par la loi de 2011, sont en première ligne. Chacun a choisi au minimum deux thèmes. Le président du CCNE, Jean-François Delfraissy, qui pilote ces Etats généraux, n’a voulu exclure aucun sujet.
L’accès à la PMA devrait être abordé dans de nombreuses régions (Ile-de-France, Bretagne, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine, Normandie, Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse…). La fin de vie sera également au menu des discussions (Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France), alors que sa présence n’y était pas acquise, la loi Claeys-Leonetti qui porte sur ce sujet ayant été adoptée en janvier 2016.
Ateliers et cafés éthiques
Moins présents dans les médias, le développement des tests génétiques, la médecine prédictive, le dépistage préconceptionnel des maladies seront largement abordés (Bretagne, Champagne-Ardenne, Occitanie, PACA-Corse, Normandie…). D’autres sujets sont également au programme, comme la prise en charge des personnes âgées et handicapées et le partage des données de santé (Alsace, Martinique), le don d’organes en Bourgogne-Franche-Comté, la liberté d’aller et venir dans les établissements de soins, les neurosciences et l’intelligence artificielle en Auvergne-Rhône-Alpes…
Ateliers, conférences-débats, tables rondes, cafés éthiques, groupes de discussion : les modalités de débat sont variées. « Nous avons écarté les conférences, qui risquent de n’attirer que des personnes déjà intéressées, au profit de groupes de discussion de quinze à vingt personnes, lycéens, patients, professionnels de santé, cadres, ouvriers, agriculteurs…, explique Hélène Gebel, coordinatrice de l’espace éthique régional d’Alsace. Nous allons vers les gens en visant le plus de représentativité possible, même si nous savons que ce ne sera pas parfait. »
En Ile-de-France, le directeur de l’espace éthique, Emmanuel Hirsch, annonce de multiples conférences, ateliers, soirées thématiques, partenariats, et en assume le côté « désordonné ». « C’est une occasion unique de mobiliser et de faire de la pédagogie sur ces sujets, afin qu’un maximum de personnes se les approprie », explique-t-il.
« Une démarche d’écoute »
Un site Internet sera également lancé pour recueillir des contributions. Afin de garantir la représentativité voulue par la loi, un comité citoyen tiré au sort sera également mobilisé. Sa composition et son rôle exact ne sont pas encore finalisés.
En parallèle, 350 auditions (associations, sociétés médicales savantes, représentants des religions…) sont prévues au CCNE. « Nous sommes dans une démarche d’écoute », affirme Jean-François Delfraissy. Emmanuel Macron, qui prévoit des réunions « régulières » avec les responsables du comité d’éthique, a en outre assuré jeudi aux représentants des cultes qu’ils seraient « pleinement associés à ce travail ».
« Nous comptons bien sûr participer aux débats citoyens », affirme de son côté Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour tous (opposée à toute évolution de la loi). Tout comme le président de l’association des familles homoparentales Alexandre Urwicz… Avec quel impact ? « Le risque, c’est que nous soyons au pire noyés, au mieux écoutés et ça s’arrêtera là », redoute Vincent Brès, dont l’association demande l’accès aux origines pour les enfants qui sont nés par PMA.
Quel sera le débouché concret de ce grand remue-méninges ? « Ce n’est pas parce que le débat est très large que tout sera forcément repris dans la loi », prévient Jean-François Delfraissy. Le CCNE fournira une synthèse des débats et un avis à l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. D’autres contributions sont sollicitées (académies, Agence de la biomédecine, Conseil d’Etat) pour éclairer l’exécutif…
Le gouvernement prendra ensuite le relais pour élaborer un projet de loi. « Les Etats généraux donnent un avis, rappelle Jean Leonetti. Ils ne doivent pas servir de bouclier de protection à des élus qui n’oseraient pas prendre de décisions. Le politique doit prendre ses responsabilités. »
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