Dans les démocraties, il est d’usage que la justice reconnaisse la non-responsabilité pénale du malade mental, du moins en cas d’état de « démence » lors des faits reprochés, « démence » au sens juridique (différent de sa signification médicale) et dûment reconnue par un expert-psychiatre mandaté par le juge. Le Canada ne fait pas exception, en écartant de la sanction pénale le criminel considéré comme « non responsable » par la justice, éclairée par des rapports d’expertise psychologique et psychiatrique. Mais The Canadian Journal of Psyhiatry aborde un problème de société revenant de façon récurrente dans le débat public, à chaque fois qu’un jugement décharge un malade mental de toute responsabilité pénale : l’incompréhension de cette législation dans le grand public. Une incompréhension profonde qui tend aussi « à se refléter dans les médias. »
Comme le Canada (à l’instar de la France, avec le programme Papageno[1]) propose désormais aux journalistes des « recommandations de bonnes pratiques » (guidelines) aux journalistes devant évoquer une problématique psychiatrique (suicide, troubles du comportement, addictions...), des chercheurs de l’Université McGill de Montréal ont évalué, dans une vingtaine de grands journaux canadiens (Globe and Mail, National Post, Toronto Star, etc.), la manière dont la presse intègre ou non ces recommandations visant au moins à une « neutralité bienveillante » à l’égard des malades mentaux.
Un grand contraste entre le ton des articles génériques et celui des compte rendus d’affaires criminelles
Selon le thème de l’article, la maladie mentale en général (940 articles), ou la non-responsabilité pénale en affaire criminelles (131 articles), les auteurs observent « un grand contraste » entre « les articles génériques sur la maladie mentale » (où les journalistes tiennent alors compte des recommandations contre la stigmatisation) et les textes relatifs à la non-responsabilité pénale. Dans ce second type d’articles, le ton est « dans la grande majorité des cas négatif », car l’émotion du public (reflétée et nourrie en retour par la presse, à la hauteur du tragique fait divers en cause) limite l’objectivité du journaliste. En particulier, ces articles au « contenu plus stigmatisant » sont « significativement moins susceptibles » d’évoquer une perspective positive (« rétablissement ou réhabilitation » du malade mental déjà passé à l’acte criminel) et de chercher une circonstance atténuante ou un facteur déclenchant du passage à l’acte dans la médiocrité de la prise en charge préalable (« pénurie de ressources psychiatriques » ou « mauvaise qualité des soins »).
Exemple de fait divers tragique, traité dans l’un de ces articles : « T. est un homme vraiment très malade. Il a coupé la tête de sa mère et l’a placée sur un plateau d’argent. Sans surprise, la justice l’a reconnu non responsable pénalement pour ce crime lié à sa maladie mentale. » Au tribunal médiatique, pour reprendre le thème religieux du « rachat de la faute », peu ou pas de rédemption possible, en perspective...
Dr Alain Cohen
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