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lundi 18 décembre 2017

Dany Boon : « J’ai réparé l’irréparable »

L’humoriste qui fête ses vingt-cinq ans de scène à l’Olympia, raconte l’histoire compliquée de sa famille et ses années de galère.

... Toujours en analyse ?

Oui j’adore ma psy. On est au-delà du transfert, maintenant on est amis, elle lit mes scénarios, vient voir mes films !


LE MONDE  | Propos recueillis par 

Dany Boon, à Montpellier, en 2017.
Dany Boon, à Montpellier, en 2017. ERIC CATARINA/CONTOUR BY GETTY IMAGES

Je ne serais pas arrivé là si…

… si je n’avais pas fait rire ma mère, enfant, quand elle n’allait pas bien.

Pourquoi n’allait-elle pas bien ?

Ma mère est tombée amoureuse de mon père, et réciproquement, à l’âge de 18 ans. Il était algérien et avait 36 ans. Elle s’est retrouvée enceinte alors qu’elle était mineure [la majorité civile était alors fixée à 21 ans]. Ma mère avait le choix d’aller dans une maison de fille-mère ou de partir avec mon père et d’être bannie par une partie de sa famille catholique pratiquante. Elle a choisi l’amour. Elle a été bannie par ses parents pour qui cette liaison était un drame familial. Cela a été très dur pour elle.

C’est grâce à son métier que votre père a rencontré votre mère ?

Oui. Mes grands-parents avaient retiré ma mère de l’école à 14 ans – alors qu’elle était très douée – parce qu’en tant qu’aînée, elle devait aider au garage familial. C’est en faisant le plein de gasoil du 38 tonnes de mon père qu’ils se sont rencontrés. C’est joli, non ? C’est une scène de film. Mon père était arrivé en France de Kabylie, comme boxeur professionnel, à l’âge de 18 ans. Puis il avait passé son permis poids lourds et était devenu chauffeur routier.

Comment faisiez-vous rire votre mère ?

J’ai grandi dans un quartier de corons. J’ai eu une enfance difficile mais pas malheureuse. Difficile à cause du manque d’argent et parce que je ne pouvais pas aller voir mes grands-parents, qui habitaient dans la même ville. Chez nous, il y avait des amis, notamment les patrons de mon père, mais pas de repas de famille. Toutes ces tensions familiales m’ont évidemment beaucoup marqué. Quand vous êtes rejeté et que vous découvrez que dans la plupart des autres familles cela n’existe pas, vous grandissez en vous demandant : Pourquoi n’est-on pas aimé ? Qu’est-ce qu’on a fait pour ne pas être aimé ? Pour faire rire ma mère, j’imitais les adultes. Elle était bon public et aimait blaguer sur des choses dramatiques.


Ce n’est pas un hasard si l’un de mes premiers sketchs s’est appelé « La déprime ». Je voulais faire rire ma mère pour qu’elle aille mieux face à l’agressivité familiale, mais aussi pour me faire aimer des autres. Quand on fait rire quelqu’un, il devient désarmé et il vous aime. Dans ma résilience, il y avait inconsciemment cette idée. Au lieu de dire « vous me haïssez, je vais vous haïr aussi », j’ai opté pour « grâce à l’humour, je vais tout faire pour que vous m’aimiez ». Cela a été le déclic de ma vocation.

Regardiez-vous beaucoup d’humoristes ?

On ne sortait jamais, ni au cinéma ni au théâtre. A la télé, je regardais Raymond Devos, Pierre Desproges dans « La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède », les films de Jacques Tati, de Gérard Oury, de Blake Edwards. J’ai eu un choc émotionnel avec Bienvenue Mister Chance d’Hal Ashby avec Peter Sellers. Un film magnifique.

Avez-vous essayé d’entrer en contact avec vos grands-parents ?

Mon grand-père a malheureusement tenu parole toute sa vie, jusqu’au bout. Quand je suis allé le voir pour la première fois, à l’âge de 14 ans, il m’a jeté dehors. Quand le frère de ma mère s’est marié, mon grand-père avait fait savoir que si elle venait, ça se passerait mal. On y est allé quand même : toute la famille était sur l’escalier de la mairie et nous (ma mère et mon petit frère), endimanchés, étions de l’autre côté de la place. J’ai le souvenir du regard de la famille sur nous, de voir de la joie d’un côté, et de l’autre, ma mère en larmes. J’avais 6 ans. Je tenais sa main, je la regardais, ce moment m’a bouleversé.

Ma grand-mère est morte l’année dernière, elle ne voulait pas que ses petits-enfants viennent à son enterrement. J’ai dit à ma mère : « Elle a ouvert une boîte de Pandore, celle de la haine de l’autre et ne s’en est jamais sortie. Elle en a souffert plus que nous. »

Quels rapports entretenez-vous avec votre mère ?

Comme elle m’a eu très jeune, j’étais à la fois son fils, son confident, son frère. J’ai toujours eu, même aujourd’hui, une relation très fusionnelle avec elle. Toute mon enfance, je l’ai entendue nous dire, à mes frères et à moi : « Mais un jour vous allez partir, m’oublier. » Je comprends sa peur de l’abandon après ce qui lui est arrivé. J’ai beaucoup d’admiration pour mes parents. Mon père n’avait pas de rancœur et je ne l’ai jamais entendu dire du mal de la famille de ma mère. Il ressentait une souffrance, un rejet de lui en tant que Kabyle, mais il était très philosophe sur tout cela. J’ai eu une éducation assez dure mais il était très généreux. Il invitait des gens plus pauvres que nous et donnait le peu de jouets que j’avais. « Il a moins que toi, il faut que tu apprennes à donner », me disait-il.

Cette double culture liée à vos parents a-t-elle suscité des réflexions racistes ?

Oui bien sûr. Mais mon père était très costaud. Il n’avait peur de rien. Dans ces cas-là, vous souffrez moins du racisme ! Il était affable, très sociable. Il m’a emmené plusieurs fois en Kabylie. La première fois, j’avais 1 an. Je suis rentré très malade à cause d’un virus qui a nécessité une très longue hospitalisation. D’où mon hypocondrie, je pense !

Aimiez-vous l’école ?

J’ai appris à lire et à écrire à 5 ans, grâce à ma mère. En primaire, j’étais le premier de la classe. Ensuite, je n’ai travaillé que les matières qui m’intéressaient. Résultat : au bout d’un moment, j’étais à deux doigts du bac technique ou du BEP. J’ai dit à ma mère : « Laisse-moi te prouver que je peux y arriver. » J’ai développé des dons pour les matières artistiques, le dessin, la musique, grâce aux cours gratuits que la ville d’Armentières, où on habitait, proposait aux enfants d’ouvriers.

Et vous avez quitté la maison à 15 ans…

Je suis allé chez Philippe, un ami peintre qui vivait avec sa femme dans une fermette à Houthem, en Belgique, et que j’avais connu grâce aux cours. Il avait un atelier d’artiste. Je suis parti parce que c’était devenu conflictuel avec mon père. Il ne voulait pas que je sois artiste. Cette perspective l’inquiétait beaucoup. Ma mère m’a dit : « Je comprends que tu partes. Fais ce que tu aimes. » Je me suis inscrit à l’école d’arts de Saint-Luc à Tournai. Ma mère est devenue femme de ménage car mes études coûtaient assez cher. Mes parents m’ont aidé financièrement et je faisais aussi des petits spectacles à Tournai. Comme il me trouvait drôle, Philippe me poussait à écrire. Moi je voulais être dessinateur-illustrateur dans la publicité. Lorsque le jury de l’école m’a remis mon diplôme d’art graphique, ses membres m’ont dit : « Ne faites pas ça, montez sur scène. »

Vous souvenez-vous du jour où vous avez décidé de partir à Paris ?

Après mon diplôme, j’ai vécu quelques années en Belgique. C’est mon ami d’enfance, Jean-Christophe Herbeth, surnommé « Tof », qui m’a poussé à partir à Paris. Il était à l’école des Gobelins et m’annonce qu’il y a une possibilité de travailler sur la bande dessinée des Triplés, de Nicole Lambert. Je pars donc à Paris et deviens coloriste chez Télé Hachette. J’étais payé 2 francs du Celluloïd. Ma cheffe tombe amoureuse de moi – et réciproquement – et insiste pour que je vienne vivre avec elle. Je me souviens que mon père m’a emmené avec son camion. J’avais une guitare et un sac à dos et il m’a déposé porte de Vincennes. Mais au bout de quinze jours, mon amoureuse me demande : « Tu vas faire quoi comme métier ? » Je lui dis que je suis artiste. Elle me répond : « Non, artiste c’est un hobby. Je te parle de métier. » Notre histoire d’amour aura duré quinze jours !

Je pars alors chez mon pote Tof à Saint-Denis [au nord de Paris]. J’avais honte de retourner dans le Nord alors que j’avais dit à tout le monde : « Ça y est, je suis amoureux je vais vivre à Paris et faire l’artiste. » Ensuite, je retourne à Houthem, en Belgique, et Tof me rappelle à nouveau : « Tu vas vivoter, il faut que tu retournes à Paris, c’est là que ça se passe. » Je l’écoute et je repars. Ma mère me donne 10 000 francs (1 500 euros), toutes ses économies de femme de ménage. Mais tout est parti en trois mois. Je lui disais « oui, oui j’ai toujours de l’argent, tout va bien », alors que j’étais devenu interdit bancaire.

Que faites-vous alors ?

Je galère à mort. Je ne connais personne. Je voulais acheter un piano. Je fais un crédit Cetelem, je l’obtiens mais je ne peux pas le rembourser. On vient me saisir l’instrument et je suis interdit bancaire pendant un an.

Comment viviez-vous ?

On ne vit pas. On est banni de la société. C’est un cauchemar. Et je crève de faim. Je logeais soit chez des copines, soit je gardais des apparts de personnes qui partaient en vacances. Je faisais du spectacle de rue, du mime automate, de la guitare, je gagnais des petites pièces. J’ai un souvenir très marquant : un jour, je prends toutes mes pièces pour acheter une baguette. Il y a du monde, la commerçante, un peu énervée, les compte et me dit : « Il manque 10 centimes. » Je cherche dans mes poches en sachant que je n’ai rien. Elle me rétorque : « Allez ça va, dégagez » et me jette la baguette. On apprend la vie… Il y a moins d’ouverture sur les autres à Paris que dans le Nord ou en Belgique.

A cette époque, je passe et réussis l’audition du cours Simon mais je ne peux pas payer les leçons. On me propose de payer plus tard. Au bout de quelques mois, je suis convoqué dans le bureau de Roselyne Margat, la directrice. Je lui explique que je n’ai rien. Elle me dit : « Ce n’est pas grave, tu ne paieras pas, on ne dira rien. » J’ai été très touché par cette générosité.

C’est aussi à ce moment-là que la psychanalyse entre dans votre vie…

Oui, grâce à un psychanalyste qui faisait le cours Simon. Je lui demandais qui était Lacan, qui était Freud. J’ai lu grâce à lui Une saison chez Lacan, de Pierre Rey. Ce livre a été très important. Il a déclenché mon envie de découvrir ce qu’est la psychanalyse, cette aventure introspective.

Comment passez-vous du cours Simon au one-man show ?

Je découvre Racine, Corneille, mais je veux jouer mes sketches. Je galère tellement que je me remets au dessin pour m’en sortir. J’arrête le cours Simon et je rentre à France Animation, où je deviens story-boarder. Je commence, pour la première fois, à bien gagner ma vie. Un jour, je croise dans la rue une ancienne élève du cours Simon. « Alors, tu es acteur ? », me demande-t-elle. « Non je suis dessinateur. » « Mais pourquoi ? S’il y a bien quelqu’un qui doit devenir acteur c’est toi. » C’est elle qui avait raison. Le lendemain, j’annonce au bureau que je pars, que je ne rendrai pas mon story-board et que ma vie, c’est la scène. Je commence à écrire, je passe des auditions, mais je ne suis pris nulle part.

Un dimanche soir, je m’inscris à la scène ouverte du Café de la Gare et joue le sketche de la déprime. Je cartonne. Je rencontre Richard Kalfa, le patron du café-théâtre Le Movies, qui me propose de venir jouer dans sa salle. Je n’ai pas encore une heure de spectacle mais il me fait confiance. Je connais alors une période merveilleuse où je joue mon spectacle tous les soirs, devant 2 ou 30 personnes, mais je joue. Un jour de 1997, Thierry et Fanny Joly, qui écrivent pour leur sœur Sylvie Joly, viennent me voir. Avec Thierry, on devient les meilleurs amis du monde. C’est lui qui me donne confiance en moi. Et grâce à Sylvie Joly, qui devient ma marraine, je joue au Théâtre du Lucernaire.

Le succès arrive à quel moment ?

Je commence à remporter des prix dans des festivals d’humour. Je fais rire avec des choses graves et avec l’accent du Nord, cela me différencie des autres. Au Festival du rire de Rochefort, en Belgique, je fais la première partie de Patrick Sébastien. Il commence à s’intéresser à moi et me demande ce que je veux faire. Je lui réponds : « Jouer dans un théâtre à l’italienne. » Alors il loue le Théâtre Tristan Bernard à Paris. Mais je ne suis pas connu, la salle est vide. C’est très dur. Pourtant, dans Télérama, Anne-Marie Paquotte me compare à Zouc et Devos. Et Jean-Luc Jeener me met en « une » du Figaroscope. Mais c’est l’émission « Bas les maques » qui va tout changer. Sur le thème « Je fais rire », Mireille Dumas interroge Yves Lecoq, Anne Roumanoff et Sylvie Joly, grâce à laquelle j’intègre l’émission. Au lendemain de sa diffusion, le théâtre se remplit. Le producteur Jimmy Levy me propose le Palais des glaces. Je vais y jouer huit mois à guichets fermés avant de faire l’Olympia.

Et là, votre mère vient vous voir…

Elle est très heureuse pour moi, très fière. Je la présente à Jean-Michel Boris, le directeur de l’Olympia. Ma mère fait la tête, dit à peine bonjour. Je lui demande ce qui se passe. Elle me dit : « Tu tutoies ton directeur, c’est pas comme ça que je t’ai élevé ! » Je lui réponds : « Oui mais c’est un ami. » Elle rétorque : « Et alors, ça t’empêche d’être poli avec ton directeur ? » Chez elle, on ne voit plus le papier peint. Les murs sont recouverts de mes affiches, de mes photos, elle garde tout, découpe tout. Mais, pour ma mère, ce n’est pas la notoriété qui est importante. Plus tard, quand je l’appellerai le soir de la sortie de Bienvenue chez les Ch’tis, en 2008, pour lui annoncer le succès, elle me dira : « N’achète pas une nouvelle voiture ! » Ce décalage me fait garder les pieds sur terre. Quand les Ch’tisont été projetés à l’Elysée, j’ai dit à ma mère de venir. Mais elle ne voulait pas : « Je n’ai rien à me mettre, ne m’embête pas avec ça. » J’insiste, lui explique qu’il y aura mes frères, les petits-enfants, que je lui achèterai une robe. Elle arrive très angoissée à l’Elysée. Mais lorsqu’elle voit qu’il s’agit d’un buffet, elle respire : « Ouf ! On n’est pas assis à table. » Elle avait peur de se tromper dans les couverts et les verres !

Plus de 20 millions d’entrées, le film français le plus vu en salle, comment est née l’aventure de « Bienvenue chez les Ch’tis » ?

Au départ, je voulais faire venir un prof du Sud dans le Nord. Cette histoire me vient aussi d’un sketch dans lequel je suppliais les spectateurs de passer des vacances dans le Nord-Pas-de-Calais : « Vous allez voir c’est formidable, c’est très tranquille, même nous, on s’en va ! » Mais je voulais savoir si j’étais capable de réaliser un film. Donc, j’ai d’abord fait La Maison du bonheur, en 2006, car je ne voulais pas me rater sur ma région et mes racines. Quand les producteurs ont vu le titre et lu le langage ch’ti, ils n’ont rien compris. Claude Berry me dit : « C’est illisible. » Je lui réponds : « Ne t’inquiète pas, c’est plus facile à entendre qu’à lire. » Ce film a rassemblé tout ce que j’avais appris dans ma carrière : le dessin, la photo (grâce aussi à l’école Saint-Luc de Tournai), le story-board, l’humour. Mon nouveau métier était désormais réalisateur.

Tout cela ressemble à un fabuleux destin

Oui. L’enfant le plus détesté, le plus rejeté de sa famille, devient l’homme le plus aimé du Pas-de-Calais. J’ai réparé l’irréparable. C’est l’aboutissement de ma résilience. L’émotion – au-delà du rire – que le film véhicule redonne ses lettres de noblesse à une région qui a accueilli mon père, a un accent (qu’il a fallu que je perde, car on se foutait de ma gueule à l’époque où j’ai débuté) et rend hommage à ma mère. C’est une boucle par rapport à mon enfance, comme un fil rouge que j’ai suivi.

Mais comment expliquez-vous ces 20 millions d’entrées en France ?

J’ai été le premier surpris, mais je pense que c’était le bon sujet au bon moment. Je suis fan de Glenn Gould, qui disait : le piano ce n’est pas difficile, ce sont les bons doigts sur les bonnes touches au bon moment. Bienvenue chez les Ch’tis est devenu un phénomène de société parce que c’est le film dont les gens avaient besoin, il leur a fait du bien. Parce qu’il véhicule une idée qu’on a en nous, mais qui n’est plus visible dans la société : la fraternité. Les comédies américaines montrent la réussite comme une fin en soi. Mon film dit l’inverse : le plus important c’est le rapport aux autres.

Vous avez, à plusieurs reprises, pris position pour dénoncer le danger du Front national…

En étant fils d’Algérien, ce sujet me touche particulièrement. J’ai pris position la première fois en 2009, lors des municipales d’Hénin-Beaumont. La grand-mère italienne de ma femme m’avait envoyé par mail un article du Corriere della Sera qui parlait de Bienvenue chez les Ch’tis : « Ce film est une fable. L’accueil, la fraternité, dans cette région, n’existe pas. La preuve, le FN va gagner une ville importante. » En tant que citoyen français issu d’une double culture, je ne pouvais pas ne pas réagir. Le discours extrémiste et xénophobe est parfois fort dans les régions sinistrées comme le Nord. Les gens ne vont pas résoudre leurs difficultés en ayant la haine de l’autre et en reportant leurs problèmes sur les minorités. La solution est dans l’éducation et la culture.

C’est notre responsabilité de faire lire nos enfants. Souvent, des artistes hésitent à prendre position parce que le FN fait des scores importants, c’est une partie du public. Un jour, dans le Nord, quelqu’un m’a glissé à l’oreille : « En même temps vous n’êtes pas 100 % Ch’ti… » Quand j’entends des choses comme celle-là, une plaie se rouvre. Heureusement que je suis en analyse, cela aide à ne pas répondre à la haine.

Toujours en analyse ?

Oui j’adore ma psy. On est au-delà du transfert, maintenant on est amis, elle lit mes scénarios, vient voir mes films !

Quel rapport entretenez-vous avec l’argent ?

J’espérais simplement avoir des moyens suffisants pour ne pas avoir de soucis matériels. Car mes parents en ont eu beaucoup. Ils ont passé leur vie à rembourser leur maison de coron de 60 mètres carrés. Au début, je culpabilisais de gagner en peu de temps ce qu’ils ont mis leur vie à obtenir. C’est déstabilisant. La psychanalyse m’a aidé à accepter cela. Et puis on a créé Le Ch’ti Fonds avec la Fondation de France. C’est vrai que je pourrais arrêter de travailler, mais ce qui m’importe c’est de faire rire pour faire du bien, car les premiers rires du public m’ont réparé.

Aujourd’hui, vous vous sentez avant tout réalisateur, humoriste, comédien ?

J’arrête le one-man show. Dany de Boon des Hauts-de-France est mon dernier spectacle. Je voudrais faire du théâtre, j’en ai rêvé enfant. A 10 ans, j’avais écrit une lettre au théâtre de Lille pour leur demander de me prendre, quand je serais grand, comme balayeur, puis comme ouvreur et, comme cela, je grimperais tous les échelons. Par timidité, je ne l’ai jamais envoyée. Au-delà de l’argent qu’on peut laisser à ses enfants, j’aimerais aussi leur léguer des pièces de théâtre. Et évidemment continuer le cinéma.

Et écrire un jour un film sur votre vie ?

Ma mère, qui vit toujours à Armentières, ne veut pas. « Je ne préfère pas », m’a-t-elle dit.

Vous étiez ami avec Johnny Hallyday. Que représentait-il pour vous ?

J’ai grandi avec lui. Quand j’étais gamin, c’était un artiste très apprécié dans les milieux populaires. Ma mère a été très secouée par son décès. C’est comme la fin d’une époque. Il y a quinze ans, il est venu me voir sur scène. Nous avons sympathisé. Quand je suis parti à Los Angeles, il m’a prêté sa maison pendant trois mois. Il m’appelait pour que j’essaie sa nouvelle voiture, il était comme un enfant qui voulait partager ses plaisirs. Puis on s’est vus régulièrement. Johnny était d’une grande humanité, généreux et intuitif avec les gens. L’hommage qui lui a été rendu, samedi 9 décembre, était à la hauteur de ce qu’il était. Tous ces gens qui me disaient « embrassez-le », « dites-lui merci pour nous », c’était bouleversant.


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