Les 275 000 créations promises par François Hollande en juin 2012 sont loin d’être atteintes. A la fin de 2016, elles s’élevaient à 46 588.
LE MONDE | | Par Gaëlle Dupont
L’engagement date de juin 2012, il y a exactement cinq ans : 275 000 nouvelles solutions de garde pour les enfants de moins de 3 ans devaient être créées durant le quinquennat. Pendant la campagne électorale, le PS promettait même 500 000 places nouvelles. Le président Hollande avait revu le chiffre à la baisse, mais conservé une très forte ambition.
L’accueil de la petite enfance est crucial pour les familles et la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Aujourd’hui, 61 % des enfants restent gardés la majeure partie du temps par leurs parents, leur mère principalement.
« Clairement, nous ne sommes pas à l’objectif », constate Daniel Lenoir, le directeur de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). Il devait être atteint en agissant sur trois leviers : 100 000 nouvelles places en crèche (dont 80 000 créations nettes et 20 000 obtenues par une meilleure utilisation de l’existant), 100 000 chez les assistantes maternelles et 75 000 en préscolarisation à 2 ans. Dans le premier cas, le voyant est orange. Les deux autres sont au rouge.
Baisse des créations de places en crèche
Les créations nettes de places en crèche atteignent le nombre de 46 588 sur la période 2013-2016. Même en prenant en compte 2017, l’objectif semble inatteignable. D’autant moins que les créations ralentissent fortement. Alors qu’elles oscillaient autour de 12 000 par an entre 2013 et 2015, elles ont atteint le nombre de 8 584 en 2016, dont seulement 2 851 places en accueil collectif classique, selon les estimations fournies au Monde par la CNAF.
Les financements ont pourtant été importants : de 2013 à 2016, les CAF ont alloué 400 millions d’euros de subventions d’investissement et participé pour plus de 13 milliards aux frais de fonctionnement des crèches (soit environ 45 % du coût total de fonctionnement en moyenne). Mais l’accueil de la petite enfance est une compétence communale. Ce sont donc les collectivités qui décident d’ouvrir ou non des structures.
« Le bilan mitigé ne peut s’interpréter comme un manque d’intérêt de leur part, affirme Elisabeth Laithier, élue (Les Républicains) à Nancy et chargée de la petite enfance à l’Association des maires de France. Les crèches sont importantes pour les élus, c’est un moyen de fixer des familles. »
Complexité des normes imposées
Mme Laithier souligne en revanche leur coût élevé (l’investissement est passé de 15 000 euros à 30 000 euros par berceau en quinze ans) alors que les dotations des collectivités sont en baisse, ainsi que la complexité des normes imposées par les services de protection maternelle et infantile (PMI) « qui changent d’un département à l’autre, voire d’un médecin de PMI à l’autre ». L’enjeu est désormais que les collectivités maintiennent les places actuelles. « Certaines commencent à rogner sur l’existant, prévient Mme Laithier, en restreignant par exemple les amplitudes horaires. »
En revanche, les « microcrèches » ne cessent de gagner du terrain. Limitées à dix berceaux, dotées de normes plus souples, ces structures privées explosent. « Elles sont plus petites et plus “familiales” que les crèches classiques, souvent plus proches du domicile des parents », observe Sylvain Forestier, président de la Fédération française des entreprises de crèches.
« Les microcrèches pratiquent une sélection par l’argent », alerte Servane Martin, chargée de la petite enfance à l’Union nationale des associations familiales. Les parents paient plus cher et doivent avancer l’argent pour rémunérer les salariés, avant de perçoir ensuite les aides (CAF et crédit d’impôt).
Outil de lutte contre les inégalités
« Des efforts ont été faits, mais la situation reste difficile pour les familles », constate Mme Martin. Seule une famille sur deux ayant souhaité que son enfant soit gardé en crèche a obtenu une place, selon le dernier rapport de l’Observatoire national de la petite enfance.
Ce mode d’accueil est plébiscité par les parents. Il est également promu par certains experts comme outil de lutte contre les inégalités sociales. Le think tank Terra Nova a publié le 31 mai un rapport préconisant la création de 40 000 places nouvelles dans les quartiers populaires et les territoires ruraux, car « l’égalité des chances se joue avant la maternelle ».
Le même raisonnement avait poussé le gouvernement à afficher l’objectif de 75 000 places supplémentaires à l’école maternelle dès 2 ans, ciblées sur des zones défavorisées. Mais le taux de scolarisation est resté stable en moyenne sur la période, de 11,9 % en 2013 à 11,8 % en 2016 (20 % dans les zones d’éducation prioritaire). La complexité de l’accueil des tout-petits (locaux et transports scolaires doivent être adaptés notamment) et le manque d’appétence des parents expliquent ces chiffres.
Un défi de taille pour le nouveau pouvoir
Le dernier levier de création de places, les assistantes maternelles, n’a pas non plus donné les résultats escomptés. Leur effectif est en légère baisse et les parents y ont de moins en moins recours (40 000 enfants de moins gardés fin 2015 par rapport à fin 2012).
Recours au travail au noir, mode de garde trop coûteux, inadaptation spatiale de l’offre par rapport à la demande peuvent expliquer cette baisse. Dans le même temps, la garde à domicile progresse, mais elle est surtout concentrée en Ile-de-France.
Le défi est donc de taille pour le nouveau pouvoir. Le candidat Macron s’était engagé à publier les critères d’attribution des places. « Quelles demandes seront jugées les plus légitimes ?, interroge Mme Martin. La transparence est une bonne chose mais elle ne doit pas servir à gérer la pénurie. » La promesse de « soutenir l’effort massif de construction de places de crèche » figurait également dans son programme. Il n’est pas certain que de nouveaux objectifs chiffrés soient fixés.
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