| 16.02.2017
Trois ans après l'adoption de la loi du 27 septembre 2013 sur les soins sans consentement, qui révisait celle du 5 juillet 2011, le recours à ce régime a fortement augmenté, constatent les députés Denys Robiliard et Denis Jacquat, à l'issue de leur mission d'évaluation, lancée début janvier.
En 2011, la loi a modifié un paradigme, en passant de l'hospitalisation sans consentement aux soins sans consentement. En 2015, 92 000 patients étaient soignés sans leur consentement (5,4 % de la file active totale suivie en psychiatrie), contre 80 000 en 2012, soit une augmentation de 15,9 %, alors que la hausse de la file active des patients suivis en psychiatrie n'est que de 4,9 %, selon les nouveaux chiffres de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES)*.
Parmi ces 92 000 personnes, 80 000 patients ont été hospitalisés au moins une fois à temps plein (+ 13 % par rapport à 2012) ; 37 000 (40 %) étaient suivies en ambulatoire.
L'avis des rapporteurs est nuancé : ils y voient un accès élargi à une palette de soins plus variée que la seule hospitalisation à temps plein, et une désinstitutionalisation de la psychiatrie. Néanmoins, ils observent l'augmentation de la durée du programme de soins et des hospitalisations (jusqu'à 75 jours en moyenne). Ils s'inquiètent surtout d'une relative ingérence des agences régionales de santé, qui, ayant récupéré les compétences des directions départements des affaires sanitaires et sociales (DDASS), tendent à intervenir dans le programme de soins, lorsque l'hospitalisation est demandée par un représentant de l'État (maire ou préfet) – ce qui est le cas à 50 %. « Le contenu des soins ne peut relever du préfet ! », s'insurge Denys Robiliard. Et de préconiser une enquête exhaustive portant sur le recours aux programmes de soins sans consentement et sur leur efficacité, qui fasse la lumière sur les disparités territoriales.
Des procédures d'urgence banalisées
Autre objet d'inquiétude, la banalisation des procédures d'urgence, allégées en ce qu'elles ne nécessitent qu'un et non deux certificats médicaux, et ne requièrent pas la présence d'un tiers. Les admissions pour péril imminent (SPI) concernent 20 % des patients en soins sans consentement. Entre 2012 et 2015, le nombre de patients concernés a plus que doublé (de 8 500 à 19 500). Si certains recours à cette procédure d'exception sont légitimes, d'autres « apparaissent comme un expédient pour désengorger les services d'urgence », d'où proviennent les deux tiers des patients qui tombent sous le coup d'une telle procédure. Et les différences territoriales sont criantes, note l'IRDES. « Le recours aux SPI ne peut s'expliquer par la facilité, c'est inadmissible ! », se révolte Denys Robiliard, soulignant que la présence d'un tiers lors d'une hospitalisation permet aussi de préparer la sortie.
Un contrôle judiciaire perfectible
La mission fait aussi le bilan de la réduction du délai qu'a le juge des libertés et de la détention (JLD) pour contrôler la nécessité d'une hospitalisation sans consentement, de 15 jours en 2011 à 12 en 2013. La conséquence immédiate est une augmentation des décisions de 19 % entre 2013 et 2015 (de 65 862 décisions à 77 791). Le taux de mainlevées, de 10 %, s'est rapproché de 5 % (soit 4 000 décisions).
Il reste 20 % des situations où l'audience se déroule au tribunal, alors que la loi de 2013 a consacré l'hôpital comme la norme (ce qui l'est dans 60 %, tandis que les 20 % restants se déroulent à l'hôpital ou au tribunal, en fonction des disponibilités). La mission note que l'abandon de la visioconférence fait consensus.
Elle demande enfin que tous les patients hospitalisés sous contraintes puissent bénéficier de l'aide juridictionnelle lors des contrôles judiciaires : c'est déjà le cas dans 90 % des cas ; l'extension à la totalité des patients concernés coûterait 560 000 euros, calculent les députés.
Plus généralement, la mission plaide pour le développement des formations communes aux avocats, magistrats et soignants, au bénéfice d'un meilleur respect du droit des patients.
Les recommandations de la HAS très attendues
Pour remédier aux dérives identifiées, la mission propose de s'appuyer davantage sur les commissions départementales de suivi psychiatrique (CDSP) qui doivent mieux se coordonner avec le JLD. Elle attend également beaucoup des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) (qui devraient être adoptées par son collège ce mois-ci) sur l'isolement et la contention, en espérant que soit revue la version provisoire, qui fixe à 14 heures la durée maximale pendant laquelle un patient peut être isolé lors d'un changement de statut. Ces recommandations devraient nourrir la circulaire d'application de la loi Santé. « Mais l'article 72, qui définit l'isolement et la contention comme des pratiques de dernier recours, sur décision d'un psychiatre, pour une durée limitée, s'applique déjà », rappelle Denys Robiliard, comme l'avait déjà fait le contrôleur général des lieux de privation de liberté en mai 2016.
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