L'inspection générale des Affaires sociales préconise le développement du télésuivi-accompagnement pour améliorer l'observance des traitements. Un nouveau dispositif qui nécessite un cadre règlementaire. Les inspecteurs de l'administration s'opposent aussi fermement à un remboursement modulé selon l'observance du traitement.
L'Inspection générale des Affaires sociales (Igas) s'attaque à un problème aussi vieux que la médecine. "La médecine doit savoir que les patients mentent souvent lorsqu'ils disent suivre leur traitement", prévient Hippocrate, cité par Claire Compagnon et Alain Lopez, inspecteurs à l'Igas, dans leur rapport intituléPertinence et efficacité des outils de politique publique visant à favoriser l'observance. Dans celui-ci, ils égrènent dix-sept recommandations pour améliorer l'adhésion aux traitements des patients.
Chiffres alarmants
D'après différentes études citées dans le rapport, la mauvaise observance se facturerait à 9 milliards d'euros (Md€) pour l'Assurance maladie chaque année. Une facture qui sera amenée à évoluer avec le développement des prescriptions de chimiothérapies à domicile. 3 Md€ seraient dépensés chaque année en psychiatrie en raison de rechute pour défaut d'observance. 12 000 décès seraient également imputables à des problèmes d'adhésion aux traitements, 100 000 hospitalisations seraient évitables chaque année. "Peu importe la réalité exacte des chiffres, ils sont toujours élevés", résument les auteurs du rapport.
Leur première recommandation est de "ne pas lier le remboursement des soins à l'observance du traitement". La mauvaise adhésion du patient peut être due à pléthore de raisons, selon le profil de chaque patient. Une telle décision conduirait à des "impasses" et serait vécue comme "une double-peine". "La mission recommande de ne pas s'engager sur cette voie et donc de ne pas lier le remboursement des soins à l'observance du traitement même pour une faible part", martèlent les auteurs du rapport.
Une stratégie en trois axes
Les inspecteurs de l'Igas préconise le déploiement d'une stratégie de la part des pouvoirs publics autour de trois axes : "faire du développement et du soutien des capacités des usagers un levier de régulation à part entière" ; "développer une offre de télésuivi-accompagnement fiable" ; "organiser l'accompagnement des prises en charge financées par l'Assurance maladie en fonction de ce que la qualité et la sécurité des soins exigent".
L'Igas entend mettre l'usager au centre du jeu en rappelant que la "notion d'observance donne raison au prescripteur". Or, rappellent les deux rapporteurs, "l'observance est trop souvent considérée comme un préalable à une bonne relation médecine-patient alors qu'elle est la conséquence". L'Igas met ainsi l'accent sur le développement des programmes d'éducation thérapeutique du patient (ETP), notamment en dehors du milieu hospitalier, en avance sur ce point. L'Igas recommande ainsi que les ARS soient les "seules autorités compétentes pour réguler et accompagner" l'ETP.
Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) doit ainsi prévoir des objectifs pour "soutenir les capacités des patients à prendre en charge leur pathologie". Les ARS auront la charge de mettre en place des "unions des financeurs" (associations, collectivités, mutuelles, industries, etc.) pour financer des programmes d'ETP, à partir d'un cahier des charges. Les financeurs seront cependant "maîtres" de leur financement selon le programme qu'ils portent. Chaque programme doit cependant recevoir l'agrément de l'ARS.
Lancer et organiser le télésuivi-accompagnement
Le principal chantier que les deux inspecteurs de l'Igas veulent voir s'ouvrir est celui de la mise en place du télésuivi-accompagnement. "La télésurveillance inquiète, le télésuivi rassure", préviennent-ils dans leur rapport. L'Igas compte, en effet, s'appuyer sur le développement du numérique pour favoriser l'adhésion des patients grâce à des dispositifs médicaux (DM), tels que des piluliers connectés. Le dispositif de télé-suivi comprend, outre le DM pour collecter et transmettre les données, un service d'accompagnement assurant un suivi à distance et la possibilité d'une intervention à domicile.
Pour encadrer cet ensemble, les inspecteurs de l'Igas ont rédigé un projet de loi qui repose sur neuf principes, dont la mise en place d'un "contrat thérapeutique patient/prescripteur/service d'accompagnement", le choix du service pour le patient, le marquage CE obligatoire pour les DM ou la séparation entre l'industriel créateur du DM et le gestionnaire du service. Ce dernier, selon les recommandations de l'Igas, peut être une association, une maison de santé pluriprofessionnelle, un établissement médico-social, une mutuelle, une société de service privée, etc.
L'Igas avance deux modèles pour ce suivi : un dispositif spécifique par pathologie ou un dispositif polyvalent. Dans tous les cas, ce dispositif devra être articulé avec l'offre de soins de proximité. L'Assurance maladie se chargera de la prise en charge de ce télésuivi via un forfait modulé "en fonction du niveau d'observance des patients et de la fidélisation de la clientèle". Un forfait calculé selon la performance du dispositif, après une évaluation de son efficience. Le fond d'intervention régional (Fir) sera utilisé pour financer les innovations dans ce domaine.
Avec cet ensemble de mesures, l'Igas compte ainsi favoriser l'adhésion des patients aux traitements. Elle estime aussi que le développement du télésuivi-accompagnement est une opportunité économique pour les acteurs du DM. "Ces entreprises ne parviendront pas à s'imposer sur un marché international en plein essor que si existent, en France, les conditions leur permettant d'assurer les bases de leur développement", avancent les deux inspecteurs.
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