LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | | Par Gérard Bapt (Député PS de la Haute-Garonne, rapporteur du budget de la Sécurité sociale), Florent Chapel (Porte-parole d'Autistes sans frontières) ...
Les troubles autistiques touchent près de 600 000 personnes en France, et concernent désormais une naissance sur cent, ce qui correspond à 8 000 nouveaux cas par an. Mais la situation des familles est particulièrement critique. La qualité de la prise en charge est même qualifiée par l’ensemble des observateurs de désastreuse.
Aux Etats-Unis, alors que ces pathologies semblaient encore exceptionnelles il y a quelques décennies (1 enfant sur 2 500 en 1970 puis sur 500 en 2000), l’estimation du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies est désormais de 1 enfant sur 45. L’ONU affirme d’ailleurs que, parmi tous les troubles graves de développement, l’autisme est celui qui connaît la plus rapide expansion dans le monde et que cette épidémie va bousculer nos systèmes de protection sociale.
Ces chiffres alarmants doivent, en France aussi, inquiéter et mobiliser fortement les pouvoirs publics. Or le problème reste sous-estimé et notre pays accuse toujours un retard de trente ans par rapport aux autres pays développés. Ainsi, 90 % des adultes ne disposant pas de prise en charge spécialisée sont relégués dans des structures inadaptées, des milliers vivent chez leurs parents, sans qu’une étude épidémiologique permette de chiffrer précisément cette réalité très douloureuse et destructrice.
Urgence sanitaire
Enfin, les listes d’attente pour obtenir un diagnostic et mettre en place un accompagnement spécifique sont interminables. Une étude du Collectif autisme, réalisée en 2014 auprès de 500 familles concernées, a démontré que 77,4 % d’entre elles n’avaient finalement pas eu, ou seulement de manière partielle, accès à un diagnostic approprié à l’âge requis.
Nous sommes face à un paradoxe : si la situation est mieux connue du grand public, que trois plans Autisme se sont succédé et que la volonté affichée du gouvernement est de développer les approches éducatives et comportementales qui ont fait la preuve de leur efficacité, les moyens mis en œuvre restent insuffisants, si bien que la situation est quasi inchangée. Il y a urgence sanitaire, sociale et budgétaire.
Cette situation impose d’apporter des réponses à ces deux questions : pourquoi ? et comment ? Pourquoi parle-t-on d’épidémie ? Sur le plan étiologique, les experts s’accordent à dire que les progrès dans le diagnostic ne sauraient expliquer plus de la moitié de la hausse de la prévalence. Ils considèrent par ailleurs que la génétique n’est pas seule en cause et que les facteurs environnementaux en particulier doivent être recherchés pour guider la prévention.
Exposition aux pesticides
Ces facteurs sont variés et de plus en plus d’études les pointent désormais… En 2014, des chercheurs de l’université de Californie à Davis ont constaté que le risque d’autisme augmentait pour une femme enceinte en fonction du degré d’exposition aux pesticides. Ceux de Harvard à Boston ont constaté, sur une cohorte de plus de 100 000 infirmières, que les plus exposées à certaines pollutions de l’air voyaient doubler le risque pour leur enfant.
Une liste d’agents possiblement en cause a été dressée, notamment le plomb, les PCB, le bisphénol A, des pesticides… auxquels il faut ajouter le risque médicamenteux, en premier lieu le valproate, un médicament antiépileptique.
Il est impératif de mobiliser des moyens pour que la recherche sur ces facteurs de risque soit développée et que des mesures de prévention soient prises en conséquence.
Comment s’y prendre ? La psychiatrisation de l’autisme en France représente une lourde charge économique, notamment du fait de son coût hospitalier. L’Inspection générale des affaires sociales a indiqué en 2011 que les deux tiers des personnes placées pendant plus de trente jours en hôpital psychiatrique étaient des autistes ou apparentés ; 77 % des personnes autistes n’ont pas accès à un accompagnement adapté et resteront soit en hospitalisation psychiatrique, soit en Institut médico-éducatif inadapté, soit chez eux à la charge de leur famille, la plupart du temps totalement démunie.
Le coût de la prise en charge dans un établissement est 30 % à 40 % plus élevé que le recours à l’accompagnement éducatif permanent recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS). Pourtant, le financement des pratiques recommandées reste majoritairement supporté par les parents qui y ont recours (avec un reste à charge de l’ordre de 1 500 euros par mois)…
Au scandale éthique s’ajoute une absurdité budgétaire !
Pour les familles qui n’y ont pas accès, l’enfant ne deviendra jamais autonome, son absence de progrès le conduira à un placement en institution « spécialisée », il ne vivra ainsi jamais parmi nous…
Au scandale éthique s’ajoute une absurdité budgétaire ! Une meilleure prise en charge évitant l’enfermement pourrait générer à moyen terme des économies budgétaires notables de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an pour l’Assurance-maladie… et un bénéfice social bien supérieur.
Promouvoir les méthodes éducatives et comportementales recommandées par la HAS, à l’inverse des approches basées sur la psychanalyse, permettra de redéployer les ressources vers un accompagnement efficient, la recherche thérapeutique et les mesures de prévention.
Ethique, efficience et prévention doivent converger face à l’épidémie d’autisme.
Florent Chapel est coauteur avec Sophie Le Callennec de « Autisme, la grande enquête » (Les Arènes, 244 pages, 21,90 euros).
Gérard Bapt (Député PS de la Haute-Garonne, rapporteur du budget de la Sécurité sociale), Florent Chapel (Porte-parole d'Autistes sans frontières) ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire