Cette disposition de la loi santé, promulguée le 26 janvier, aura sans doute échappé à la plupart des Français. Elle constitue pourtant l’acte fondateur d’une réorganisation majeure de la carte hospitalière ces prochaines années. Au 1er juillet, 850 hôpitaux publics français doivent chacun avoir obligatoirement rejoint un groupement hospitalier de territoire (GHT), afin d’y développer coopérations, mutualisations et économies d’échelle.
Au total, 130 GHT doivent être créés au 1er juillet, a annoncé le ministère de la santé. De tailles variables, sans personnalité juridique propre, certains groupements réuniront seulement deux ou trois établissements quand d’autres en compteront plus de vingt, pour des bassins de population allant de 50 000 à plus 2 millions d’habitants.
« C’est une véritable révolution pour nos hôpitaux, en matière d’offre de soins, de présence hospitalière sur le territoire, il y aura un avant et un après », a estimé, mercredi 29 juin à Brest, la ministre de la santé, Marisol Touraine.
Votée en décembre, la mesure a été mise en route au pas de charge par le ministère, suscitant au passage la résistance d’élus locaux contestant le GHT de rattachement de leur hôpital et inquiets d’éventuelles fermetures de lits.
Financés différemment, les hôpitaux psychiatriques ont demandé des garanties sur le maintien de leurs spécificités. Dix d’entre eux ont obtenu un statut dérogatoire, tout comme les hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Offre de soins hospitalière « optimisée »
Prélude à d’importantes restructurations, ces groupements hospitaliers suscitent aujourd’hui à la fois beaucoup d’attentes et beaucoup d’inquiétudes. Dans un premier temps, des économies d’échelle devraient être obtenues par la seule mutualisation des achats des hôpitaux. Ce sont ensuite les disciplines dites « médico-techniques » (pharmacie, laboratoires de biologie, imagerie) qui seront amenées à être regroupées, sans que cela soit perceptible par les usagers.
Mais, très rapidement, c’est l’offre de soins hospitalière elle-même qui a vocation à être repensée et « optimisée » au sein des territoires couverts par ces GHT. D’ici un an, les hôpitaux devront tous avoir établi un « projet médical partagé » précisant leur rôle respectif dans chaque filière de soins (chirurgie, obstétrique, anesthésie-réanimation) et permettant d’identifier les doublons au sein du territoire. Charge ensuite aux hôpitaux de se réorganiser pour proposer différents degrés de soins, comme c’est déjà le cas pour les maternités, classées en trois niveaux.
En clair, certains services vont fermer. « Est-ce qu’il y a forcément besoin d’un bloc opératoire dans tous les petits hôpitaux ? Il vaut parfois mieux fermer certains plateaux techniques maintenus à bout de bras par des équipes épuisées », constate Nicole Smolski, la présidente de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH). Pour subir certaines interventions lourdes, des patients devront donc sans doute à l’avenir faire plus de kilomètres. « Il va se passer la même chose que pour les maternités : on va faire des usines à soins comme on a fait des usines à bébés », déplore Jean Vignes, le secrétaire fédéral de SUD-Santé Sociaux. Pour lui,« les seuls qui vont y gagner, ce sont les ambulanciers ».
Survie des services de proximité
Mais en contrepartie de ces fermetures, des services de proximité, moins gourmands en équipements lourds, pourraient devoir leur survie à l’arrivée de ces mêmes GHT. Beaucoup de petits établissements peinent en effet à recruter des médecins et ne tournent qu’avec l’apport de médecins intérimaires recrutés à prix d’or. Demain, les médecins recrutés sur l’hôpital le plus attractif du groupe pourront, s’ils le souhaitent, encouragés par une prime, aller exercer un ou plusieurs jours par semaine dans les autres hôpitaux du GHT. « Cela va désenclaver certains établissements », se félicite Nicole Smolski.
Dans les faits, les médecins seront amenés à travailler sur plusieurs sites, où ils exerceront des tâches différentes, diversifiant ainsi leur activité. Consultations sur un site, soins et interventions plus techniques sur un autre. « Ce n’est pas forcément un dessaisissement des petits hôpitaux au profit des plus grands, la ressource médicale va être partagée », confirme Frédéric Valletoux, maire (LR) de Fontainebleau (Seine-et-Marne) et président de la Fédération hospitalière de France (FHF), le lobby des hôpitaux publics.
Si les GHT peuvent être une « opportunité pour des restructurations harmonieuses », comme l’écrit l’intersyndicale des praticiens hospitaliers dans sa lettre interne, l’outil va être mis sous haute surveillance. S’il juge que les GHT peuvent être un « bon outil », André Laignel, maire (PS) d’Issoudun (Indre) et vice-président de l’Association des maires de France, met ainsi en garde contre le risque que « les petits hôpitaux deviennent simplement des établissements pour personnes âgées et qu’on les prive de leur service actif ».
Frédéric Valletoux, qui était demandeur d’une telle réforme, en assume tous les aspects. « La carte hospitalière n’est pas éternelle, dit-il. On demande à l’hôpital de faire un milliard d’euros d’économie par an, il faut bien trouver ces économies quelque part. »
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