Par Julie Brafman, Envoyée spéciale à Saint-Omer — 24 juin 2016
La cour d’assises du Nord a lourdement condamné Fabienne Kabou, stoïque à l'énoncé du lourd verdict, à l’issue de cinq jours de procès pour l'assassinat de sa fille de quinze mois.
Elle s’est levée, puis d’une voix presque éteinte a prononcé «non, merci». Fabienne Kabou n’a plus rien à ajouter au moment où les jurés de la cour d’assises de Saint-Omer partent délibérer. Peut-être a-t-elle compris que le langage est devenu son pire ennemi au terme d’un procès où ses mots, pourtant choisis avec soin, ses phrases si bien tournées, sa syntaxe si précise n’ont cessé de la desservir. Aux yeux de tous, elle est apparue lointaine et froide, faisant de cette intelligence qualifiée de supérieure son armure et son épée.
Durant cinq jours, elle a sidéré la cour par son détachement et le récit quasi chirurgical d’un crime qu’elle n’a jamais tenté de fuir. Au contraire, elle s’est montrée tout aussi soucieuse que les jurés de comprendre pourquoi, cette nuit du 19 novembre 2013, elle a «remis», Adélaïde, sa fille de 15 mois, à la mer du Nord. Quelle est cette «force sans nom» qui l’a poussée à prendre le train pour Berck-sur-Mer ? Comment est-elle devenue ce «jouet du destin», ce«tueur à gages», qui a imprimé ses pas sur le sable glacé de la plage ? Fabienne Kabou n’a pu proposer qu’une seule explication : la sorcellerie.
Psychiatres «sur le fil du rasoir»
Les experts qui ont tenté de cerner la personnalité indéchiffrable de l’accusée ne sont pas parvenus à se mettre au diapason. Un premier collège, composé d’un psychiatre et d’un psychologue, a exclu toute pathologie mentale mais évoqué des «croyances particulières» à l’origine d’une altération du discernement de l’accusée. Lors d’une contre-expertise, trois autres psychiatres, sont arrivés à la même conclusion. Toutefois, ils ont posé un diagnostic différent. Cette «force sans nom» évoquée par Fabienne Kabou pourrait être qualifiée de«psychose délirante».
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