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mardi 21 juin 2016

Faut-il craindre la désinstitutionnalisation en psychiatrie ?

20/06/2016

« Ce ne sont pas les murs qui protègent, mais l’accompagnement » rapelle la présidente de l’Unapei[1]. On pense pourtant que la désinstitutionnalisation (promue notamment par des « antipsychiatres » comme Thomas Szasz) semble liée à une augmentation de la proportion de malades mentaux, tant parmi les personnes sans domicile fixe (SDF) qu’au sein de la population carcérale.

Réalisée conjointement par des auteurs exerçant en République Tchèque et au Royaume-Uni, une revue de la littérature spécialisée sur ce thème a évalué le devenir des patients avec un passé de chronicisation institutionnelle (long-term psychiatric hospital residents) ayant été rendus à la vie extra-hospitalière du fait de la politique de désinstitutionnalisation, développée depuis les années 1950 et 1960 aux États-Unis, sous la pression de « facteurs humanitaires, économiques et sociétaux », puis dans d’autres pays : Canada, Europe occidentale, Europe du Nord, Europe du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, etc. Toutefois, le recours aux hôpitaux psychiatriques demeure important dans d’autres régions du monde (Europe centrale ou de l’Est ex-communiste, et Asie notamment) où se pose la question de l’intérêt de procéder ou non à des réformes structurelles en psychiatrie imitant ces stratégies « antipsychiatriques » contre la prééminence des institutions asilaires.

Pas d’inflation du nombre de SDF, de suicides ou d’emprisonnements

Analysant 9 435 résumés de publications et 416 articles in extenso (dont 171 évoquent des cohortes de patients concernés par la diminution du nombre de lits en hôpital psychiatrique), cette étude ne confirme pas l’idée classique d’une « forte corrélation » entre une réduction de la voilure des structures asilaires et l’inflation des séjours en prison ou des malades rejetés à la rue, à l’état de SDF. Au contraire, ces situations redoutées (emprisonnement, clochardisation et suicide) ne surviennent que « de façon sporadique » après un passé institutionnel (même si, dans l’autre sens, la proportion de malades mentaux peut se révéler importante parmi les populations carcérales et les SDF). La critique de la politique de désinstitutionnalisation (et plus généralement de la philosophie du mouvement antipsychiatrique) doit donc trouver d’autres arguments pour défendre l’hospitalisation larga manu en psychiatrie. À ces chantres de la psychiatrie asilaire, suggérons cette autre justification, empruntée à Montaigne: « À Paris on construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n’y sont pas enfermés qu’ils ont encore la raison ! »
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCES
Taylor Salisbury T & Thornicroft G: Deinstitutionalisation does not increase imprisonment or homelessness. Br J Psychiatry, 2016; 208: 412–413. 
Petr Winkler & coll.: Deinstitutionalised patients, homelessness and imprisonment: systematic review. Br J Psychiatry, 2016; (208): 421–428.

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