Le professeur Panteleimon Giannakopoulos, nommé au tout nouveau poste de responsable de Curabilis, veut diminuer les tensions entre la santé et la sécurité. Un nouveau modèle est à l'étude qui pourrait rompre avec la tradition genevoise d'une médecine pénitentiaire très indépendante
Attendu depuis près d’un demi-siècle, planifié depuis une décennie, en chantier depuis 2009, Curabilis, établissement d’exécution des mesures d’internement et de traitement institutionnel, a été inauguré, au mois d’avril 2014, en pleine tourmente. Avec le drame de la Pâquerette et ses répercussions sur le domaine pénitentiaire, la prise en charge des délinquants perturbés et potentiellement dangereux avance en terrain miné.
Pour tenter de sortir du blocage et des tensions entre le soin et la sécurité, les Hôpitaux universitaires de Genève ont créé, début décembre, un tout nouveau poste de responsable médical de Curabilis. C’est le professeur Panteleimon Giannakopoulos, ancien chef du Département de psychiatrie, dépeint comme un esprit brillant et un grand stratège, critiqué pour son goût du pouvoir et son style de direction, qui est chargé de piloter l’avenir de cette structure et de proposer un modèle qui rassure les politiques.
Le Temps: De l’extérieur, Curabilis ressemble à une sorte de vaisseau fantôme. Qu’en est-il vu de l’intérieur?
Panteleimon Giannakopoulos: Cet établissement n’a pas encore atteint son plein essor. J’espère que toutes les unités pourront ouvrir d’ici à la fin de l’année, ce qui impliquera de mettre fin à la détention ordinaire des femmes sur ce site. Les équipes travaillent bien et doivent s’adapter à un contexte très particulier. Les contraintes liées au monde carcéral sont beaucoup plus présentes, notamment pour les détenus en crise qui étaient auparavant pris en charge à Belle-Idée au sein d’un quartier spécifique. Dans les unités de mesures, les thérapies se font avec les outils classiques que sont les approches verbales, de médiation ainsi que diverses activités. Ce qui change surtout pour les soignants, c’est le fait de devoir rendre compte de l’évolution des patients, d’interagir avec l’autorité de placement et de participer à des réunions de réseaux.
– On entend souvent dire que Curabilis accueille les détenus les plus dangereux de Suisse romande. Quel est le réel profil des pensionnaires?
– Une partie des personnes souffre de maladie mentale grave et chronique, d’autres ont des troubles de la personnalité avec une difficulté de gérer leurs émotions. Une petite minorité entre dans la catégorie des psychopathes. Les actes commis peuvent être plus ou moins graves et le nombre de délinquants sexuels est très faible. En fait, il y a surtout des gens très perturbés et potentiellement dangereux car imprévisibles. Ce qui conditionne la demande d’admission, c’est le risque de récidive plutôt que la nature du délit. Ce sont des détenus qui inquiètent car on pense qu’ils peuvent recommencer ou faire pire.
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