Le suicide de l’un des parents durant l’enfance est considéré comme un facteur de risque de suicide à la génération suivante, mais peu d’informations étaient disponibles sur l’incidence des autres causes de mortalité parentale dans l’enfance sur ce même risque de suicide ultérieur chez leur progéniture.
Réalisée sur les registres de population de trois pays du nord de l’Europe (Danemark, Finlande et Suède), une étude de cohorte comble cette lacune. Sur un total de plus de 7 millions de personnes (pour la période comprise entre 1968 et 2008), les auteurs recensent près de 190 000 sujets (environ 2,6 %) dont un parent est décédé avant qu’ils n’atteignent l’âge de 18 ans. Les auteurs ont suivi cette « cohorte des personnes endeuillées dans leur jeunesse » en appariant chaque sujet orphelin de père ou de mère à dix sujets-témoins n’ayant pas perdu l’un de ses parents avant l’âge de 18 ans (soit près de 1 900 000 sujets-contrôles).
Pouvant atteindre 40 ans (valeur médiane de 13 ans), le suivi de ces deux cohortes (sujets endeuillés dans leur jeunesse et non endeuillés) représente au total 28,8 millions de personnes-années. Recourant à une modélisation par une régression de Poisson, et tenant compte de l’âge de décès du parent, du sexe (du sujet et du parent décédé), de la durée écoulée depuis le deuil, du rang du sujet dans sa fratrie, des antécédents psychiatriques familiaux et du statut socioéconomique, les auteurs évaluent l’influence de la mort d’un parent (toutes causes de mortalité confondues) dans la jeunesse du sujet sur le risque de suicide.
Un risque maximal quand le deuil est survenu avant 6 ans
Lors de cette étude, 265 sujets (soit 0,14 %) de la cohorte « endeuillés dans leur jeunesse» sont morts par suicide et 1 342 sujets (soit 0,07 %) de la cohorte-témoin (au départ dix fois plus nombreux). Le risque de suicide est ainsi doublé chez un sujet ayant perdu un parent dans son enfance ou son adolescence : rapport de risque [IRR] = 2,02 ; intervalle de confiance à 95 %, IC,[1,75–2,34]. En comparant ces risques selon le motif du décès parental (par suicide ou pour une autre cause), on constate un doublement du risque de suicide quand un parent s’est lui-même suicidé (IRR 3,44 ; IC [2,61–4,52] ; par rapport aux autres causes de mortalité (IRR=1,76 ; IC [1,49–2,09] ). Ce risque est « plus grand chez les sujets endeuillés avant l’âge de 6 ans, et demeure élevé durant au moins 25 ans. »
Il s’avère deux fois plus important chez les hommes endeuillés dans leur jeunesse (environ 0,4 %) que chez les femmes (0,2 %).
Cette étude confirme donc que la perte d’un parent avant l’âge de 18 ans représente, quelle que soit la cause du décès, un facteur de « risque à long terme » de suicide. Pour prévenir ce risque, il faudrait renforcer les interventions précoces aidant les jeunes à affronter une situation de deuil.
Dr Alain Cohen
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