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vendredi 22 janvier 2016

Logements sociaux : le pouvoir d’attribution des maires remis en cause

Le Monde.fr Par Isabelle Rey-Lefebvre
C’était, au lendemain des attentats de début janvier 2015, une promesse forte de Manuel Valls. Lors de ses vœux à la presse, le premier ministre avait souhaité combattre « la relégation périurbaine, les ghettos (…) un apartheid territorial, social, ethnique qui s’est imposé à notre pays ». Un an après, elle se concrétise dans le projet de loi Egalité et citoyenneté.
Le texte, piloté par Matignon mais préparé par le ministère du logement et Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat – en fait une sorte de n°1 bis du logement, qui a l’oreille du premier ministre –, a été transmis au Conseil d’Etat, pour avis, lundi 18 janvier. Il devrait être examiné, début mars, en conseil des ministres et avant l’été au Parlement. Son volet logement, le plus important, risque de déplaire fortement aux élus locaux.
L’objectif est de mettre à contribution les communes urbaines pour qu’elles accueillent sans discrimination les populations modestes et fragiles, et soulager ainsi les secteurs de« relégation », selon le terme du premier ministre, à commencer par les près de 1 300 quartiers dits prioritaires de la politique de la ville. Deux leviers sont mobilisés pour y parvenir : la production de logements sociaux et leur attribution.

  • Des sanctions durcies pour les récalcitrants
Une première série de mesures vise à durcir les sanctions envers les communes récalcitrantes à la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 – qui impose à 1 113 communes urbaines de parvenir, d’ici 2020 ou 2025 à une proportion de 20 % ou 25 % de logements sociaux.
Au dernier bilan, 221 communes ont été ainsi déclarées « carencées » par les préfets de leurs départements, car elles n’ont pas réalisé l’objectif triennal assigné. Certaines ont dû payer de lourdes pénalités, une vingtaine d’entre elles a subi des préemptions préfectorales et quelques préfets ont imposé des projets de construction en lieu et place de maires.
La nouvelle loi va plus loin encore, en prévoyant de priver les maires des communes carencées de leur pouvoir d’attribuer des logements sociaux, au profit du préfet : « C’est très dissuasif, c’est l’arme nucléaire qui fera réagir les élus », prévoit René Dutrey, secrétaire général du Haut comité au logement des personnes défavorisées.
Il est aussi envisagé de limiter, dans les plans de rattrapage qui s’imposent aux communes, la production des logements sociaux les plus haut de gamme (dits PLS, pour prêt locatif social), dont les loyers même sociaux sont trop élevés pour les publics prioritaires. « Nous avons ainsi vu des communes déployer des stratégies de contournement de la loi SRU en créant des résidences étudiantes ou pour personnes âgées, comptabilisés comme autant de logements sociaux, et ces PLS trop chers, qui représentaient, dans les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines, 44 % et 49 % de la production ! », raconte Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
Déjà, le préfet peut aussi dans les communes carrencées louer des logements vacants du parc privé pour y installer des personnes prioritaires, la municipalité devant prendre en charge l’écart de loyer entre privé et public, jusqu’à concurrence de 5 000 euros par logement et par an. « C’est ce qui est en cours pour 60 logements, à Saint-Maur-des-Fossés [Val-de-Marne]mais nous nous apercevons que le plafond de 5 000 euros est trop bas et nous proposons dans la future loi de le doubler », indique M. Repentin.
  • Obligation de reloger les bénéficiaires du DALO
Construire est intéressant mais le futur texte prévoit aussi de réformer l’attribution de ces logements, pour répartir l’effort collectif et ne pas recréer des ghettos. Les collectivités locales qui, en général, attribuent entre 25 % et 30 % des logements sociaux qui se libèrent, devront en réserver le quart aux publics prioritaires, c’est-à-dire les ménages bénéficiaires du Droit au logement opposable (Dalo) – dont 60 000 sont en attente – et d’autres profils, à définir dans des conférences intercommunales sur le logement, désormais obligatoires.
Le contingent dit préfectoral, c’est-à-dire le quota de 30 % des attributions par des candidats désignés par les préfets, ne pourra, de même, plus être délégué aux collectivités. De manière générale, tous les bailleurs sociaux devront démontrer que le quart des locataires entrés dans l’année sont bien des ménages parmi les 25 % les plus pauvres, sauf, bien sûr, dans les quartiers prioritaires déjà paupérisés. « Aujourd’hui, sur les 400 000 attributions annuelles, 80 000, soit 20 %, vont déjà aux familles modestes (du premier quartile) : l’effort de passer à 25 % est à la portée de tous », estime M. Repentin.
  • Des pauvres dans les quartiers aisés
Pour accueillir ces familles dans des quartiers un peu plus chics, les bailleurs sociaux vont d’abord établir un état des lieux de la mixité sociale dans leur parc, immeuble par immeuble, et bénéficieront d’une souplesse de gestion, autorisant une baisse de loyer, ici ou là, équilibrée par une hausse ailleurs.
Cette disposition fait déjà hurler les associations de locataires : « Il n’y a aucune raison que ce soient les locataires un peu moins modestes qui paient pour les autres : c’est l’Etat qui doit assumer cette charge », proteste Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL), tandis que, à l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), on se dit « sceptique sur la possibilité d’augmenter les loyers dans les quartiers les plus pauvres ».
« Plutôt que de se demander comment mieux répartir la pauvreté, ce serait mieux de la résorber », ironisait Alain Cacheux, président de la Fédération des offices publics de l’habitat, lors du congrès des HLM, le 6 octobre 2015.

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