Le cancer du sein (CS) est le cancer le plus fréquent chez la femme. Depuis que son diagnostic et son traitement ont été grandement améliorés, la mortalité associée à cette pathologie a diminué et le CS est quasiment devenu une maladie chronique. En 1983, Derogatis et al. avaient observé, parmi 215 patientes atteintes de ce cancer, que près d’une sur deux présentait un ou plusieurs troubles psychiatriques. Plus récemment, en 2005, une autre étude a montré que le diagnostic du CS s’accompagne d’une augmentation de la prévalence de la dépression et de l’anxiété. Le but du nouveau travail que nous avons menés (L Jacob et coll.) a été de préciser la prévalence de ces deux pathologies et d’analyser les potentiels facteurs de risque associés chez des femmes atteintes de CS en Allemagne.
L’étude a porté sur des femmes atteintes de CS diagnostiqué entre janvier 2009 et décembre 2013, dont 24 537 suivies par des médecins généralistes (MP) et 20 018 suivies par des gynécologues (GY). Pour être incluses dans l’étude, les patientes ne devaient pas avoir fait l’objet d’un diagnostic de dépression ou d’anxiété dans les 12 mois précédant celui de CS. Ont été particulièrement analysées l’évolution de la prévalence de la dépression et de l’anxiété pendant cinq ans dans cette population et les potentielles variables démographiques et cliniques ayant un impact significatif sur le risque de développer l’une de ces deux pathologies.
L’âge moyen des femmes suivies par un MG était de 65,8 ans, celui des femmes suivies par un GY de 62,5 ans (p < 0,0001). Sur cinq ans, pour 36,9 % et 35,1 % des patientes suivies respectivement par des MG et des GY, un diagnostic de dépression ou d’anxiété avait été posé. La présence d’antécédents psychiatriques (Odds ratio [OR] = 1,97, intervalle de confiance à 95 % [IC95] : 1,85-2,09), de métastases (OR = 1,21, IC95 : 1,14-1,28), un âge supérieur à 50 ans (51-60 : OR = 1,19, IC95 : 1,13-1,26) et un suivi gynécologique (OR = 1,04, IC95 : 1,00-1,08) ont été identifiés comme des facteurs augmentant le risque de diagnostic de dépression/anxiété chez les femmes atteintes de CS. À l’inverse, une souscription à une assurance maladie privée (OR = 0,45, IC95 : 0,41-0,49), qui reflète indirectement un niveau socioéconomique élevé en Allemagne, était un facteur de protection.
Cette étude a permis de montrer que les femmes atteintes de CS sont souvent déprimées et anxieuses après le diagnostic de leur cancer. Bien que ce travail présente certaines limitations, notamment liées à l’absence de précision quant au statut TNM ou encore d’un certain nombre de variables sociodémographiques et cliniques, il souligne l’importance d’une prise en charge thérapeutique et psychologique personnalisée pour ces patientes auxquelles un diagnostic de CS vient d’être annoncé. Dépression et anxiété sont en effet des facteurs de risque pour l’arrêt prématuré du traitement.
Louis Jacob
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