La France détient le record d’Europe du nombre de personnes sous antidépresseurs. Mais la durée des traitements étant courte, elle se situe dans la moyenne européenne en termes de prescriptions totales. Il n’empêche, la guerre est régulièrement déclarée à un abus supposé et aux premiers responsables tout désignés de cet état de fait, les médecins généralistes. Il est vrai que leur proximité avec leurs patients les mettent d’office en première ligne, exposés à la vindicte de tous. La prescription des antidépresseurs par les généralistes n’est pas une spécificité française, puisque, pour l’ensemble des pays, ils seraient à l’origine de 80 % des prescriptions d’antidépresseurs.
La question de savoir si ces prescriptions sont justifiées ou pas est un sujet difficile. Les critères définissant « une prescription appropriée » pour une indication donnée diffèrent selon les auteurs et sont soumis à des variations selon les travaux. L’évaluation du bien-fondé des prescriptions est ainsi sujette à de grandes approximations.
Déterminer les caractéristiques des médecins généralistes prescripteurs et de leur patientèle apparaît dès lors une approche intéressante. C’est ce qu’a réalisé le département de médecine générale de l’université de Rouen. Les auteurs ont recueilli les données de l’activité de 816 médecins généralistes, collectées par la CNAM, concernant plus de 5 millions de consultations, dans une population de 1,2 millions d’habitants.
Il apparaît, selon celles-ci, que le profil-type du « gros prescripteur » est un médecin travaillant en milieu urbain, d’âge moyen (40-59 ans), prescrivant plutôt de « nouveaux » antidépresseurs et voyant peu de patients ayant de faibles revenus. Il semble intéressant de noter que ce ne sont pas les médecins ayant la plus forte activité qui prescrivent le plus d’antidépresseurs, contrairement à l’idée largement répandue que les prescriptions pourraient être faite par des médecins « pressés », sans réelle évaluation de l’état du patient. Cette étude dément aussi l’affirmation selon laquelle les femmes prescriraient autrement : aucune différence selon le genre n’est constatée ici dans les pratiques. Notons enfin qu’il n’y a pas de prescriptions plus nombreuses dans les catégories de patients réputées comme à risque de dépression (patients en affection de longue durée, patients ayant de faibles revenus). Ceci pourrait signifier une sous-prescription dans ce contexte.
Les auteurs estiment que d’autres facteurs influencent fortement les habitudes de prescription des médecins généralistes, comme leur adhésion aux recommandations, l’accès plus ou moins facile localement aux psychothérapeutes et ce qu’ils pensent personnellement de l’efficacité et de l’utilité des antidépresseurs. Autant d’éléments que ne reflètent pas les données de la CNAM et qui mériteront une analyse plus approfondie.
Dr Roseline Péluchon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire