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lundi 2 février 2015

Le bail sans fin des mal-logés

TONINO SERAFINI

C’est un rapport sur le «mal-logement» d’un peu plus de 300 pages, remis en mains propres à François Hollande lundi matin à l’Elysée, par les responsables de la Fondation Abbé-Pierre (FAP). De quoi nourrir largement la réflexion du chef de l’Etat sur un problème qui, par son ampleur, est devenu un sujet de société. Le nombre de personnes à la rue augmente (lire témoignage ci-contre) et de plus en plus de familles avec enfants vivent dans la précarité : foyers d’accueil, chambres d’hôtel, hébergement par des proches, logements de fortune et squats. «La dégradation du contexte économique et social […] a bien sûr joué un rôle d’accélérateur dans l’amplification des difficultés d’accès au logement, fragilisant de larges pans de la société et aggravant encore les situations les plus difficiles», indique ce 20e rapport de la FAP. Ou comment la crise économique aggrave l’exclusion par le logement.
Quels sont les symptômes de cette crise du logement ?
Prix de l’immobilier au plus haut, loyers au zénith dans les grandes villes, propriétaires très exigeants sur les garanties demandées aux locataires (emploi stable, revenu trois fois supérieur au loyer, caution, etc.), les conditions d’accès au logement se sont rigidifiées, tandis que les revenus et l’emploi n’ont cessé de se précariser depuis la crise financière de 2008 (hausse du chômage, développement des stages, de l’intérim, des CDD ou du travail à temps partiel non choisi). Ces situations ont «fragilisé de nouveaux pans de la population», qui restent à la porte du logement pérenne, ce qui entraîne un fort développement du «parc d’hébergement et de logement temporaire au fil des années».

Quels sont les chiffres de la précarité ?
On recense 344 000 places dans des foyers d’urgence, de stabilisation ou d’insertion. En dépit de cette montée en puissance des structures d’hébergement, de plus en plus d’appels au 115, le numéro d’urgence des sans-abri, n’ont pas reçu de réponse positive. Selon le rapport, pendant l’hiver 2013-2014 «44% [des personnes ayant composé le 115, ndlr] n’ont jamais été hébergées malgré leurs diverses sollicitations, en violation du principe d’accueil inconditionnel» qui régit l’hébergement d’urgence. «De toutes parts, les signaux d’alerte se multiplient, comme à Lyon, Grenoble ou Toulouse», où des salariés du 115 ont cessé le travail en décembre«pour protester contre le nombre "misérable" de places qu’ils ont à offrir». Le rapport observe aussi une incroyable montée en puissance des demandeurs de logements sociaux. 850 000 en 2002, 1,2 million en 2006, et«désormais, en 2014, ce sont près de 1,8 million de demandes qui sont en attente» pour «467 000 logements […] attribués». Tous les ménages inscrits aux fichiers des HLM ne sont pas en situation précaire. Cet afflux témoigne aussi du niveau élevé des loyers dans le privé : de plus en plus de ménages tentent leur chance dans le parc social.
A l’appui de ses chiffres, tous tirés de statistiques officielles (Insee, HLM, Cnaf…), le rapport rend compte de situations de mal-logement très concrètes : celui d’un couple avec une fille de 3 ans qui, pour échapper à la rue, habite «dans le garage d’un particulier en banlieue lyonnaise pour lequel ils paient un loyer de 280 euros». Ou celui d’un couple disloqué après leur expulsion de leur logement HLM consécutive à des impayés de loyers : lui vit «dans une chambre en foyer obtenue par le 115, elle chez une amie». Cette montée des impayés de loyers engendrée par la précarité se lit dans les statistiques. Selon le rapport, le nombre de procédures engagées par les propriétaires-bailleurs devant les tribunaux en vue d’une expulsion locative a augmenté de 42% en douze ans, passant de 107 639 en 2001 à 152 035 en 2013.
Que faire pour lutter contre le mal logement des personnes défavorisées ?
Depuis le début des années 90, diverses lois ont été adoptées pour répondre à l’émergence de la précarité. Une loi de 1990 a mis en place les Plans départementaux d’accès au logement des personnes défavorisées, censés faciliter l’habitat des démunis. Dix ans plus tard, en décembre 2000, est votée la loi SRU qui oblige chaque commune à atteindre un quota de HLM (fixé à 25%), dans un objectif de mixité sociale et pour accroître l’offre de logements sociaux pour les ménages pauvres, modestes, et même moyens dans les grandes villes où le privé est très cher.
Le rapport préconise un changement de cap dans les politiques publiques, donnant la priorité à la construction et la réhabilitation de logements dont les loyers seraient financièrement accessibles aux ménages modestes. Curieusement, depuis une quinzaine d’années, la priorité a été donnée à la production de logements locatifs relevant de dispositifs fiscaux type Robien ou Scellier… dont les loyers sont proches de ceux du privé. Le rapport appelle aussi à une clarification des compétences entre l’Etat et les collectivités locales. Afin de construire plus facilement et plus vite.

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